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un hivernage dans les glaces.

lent, et le froid insupportable. On ne pouvait sortir sans s’exposer à être gelé. Les plus courageux devaient se borner à se promener sur le pont abrité par la tente. Jean Cornbutte, Gervique et Gradlin ne quittèrent pas leur lit. Les deux Norwégiens, Aupic et André Vasling, dont la santé se soutenait, jetaient des regards farouches sur leurs compagnons, qu’ils voyaient dépérir.

Louis Cornbutte emmena Penellan sur le pont et lui demanda où en étaient les provisions de combustible.

« Le charbon est épuisé depuis longtemps, répondit Penellan, et nous allons brûler nos derniers morceaux de bois !

— Si nous n’arrivons pas à combattre ce froid, dit Louis Cornbutte, nous sommes perdus !

— Il nous reste un moyen, répliqua Penellan, c’est de brûler ce que nous pourrons de notre brick, depuis les bastingages jusqu’à la flottaison, et même, au besoin, nous pouvons le démolir en entier et reconstruire un plus petit navire.

— C’est un moyen extrême, répondit Louis Cornbutte, et qu’il sera toujours temps d’employer quand nos hommes seront valides, car, dit-il à voix basse, nos forces diminuent, et celles de nos ennemis semblent augmenter. C’est même assez extraordinaire !

— C’est vrai, fit Penellan, et sans la précaution que nous avons de veiller nuit et jour, je ne sais ce qui nous arriverait.

— Prenons nos haches, dit Louis Cornbutte, et faisons notre récolte de bois. »

Malgré le froid, tous deux montèrent sur les bastingages de l’avant, et ils abattirent tout le bois qui n’était pas d’une indispensable utilité pour le navire. Puis ils revinrent avec cette provision nouvelle. Le poêle fut bourré de nouveau, et un homme resta de garde pour l’empêcher de s’éteindre.

Cependant Louis Cornbutte et ses amis furent bientôt sur les dents. Ils ne pouvaient confier aucun détail de la vie commune à leurs ennemis. Chargés de tous les soins domestiques, ils sentirent bientôt leurs forces s’épuiser. Le scorbut se déclara chez Jean Cornbutte, qui souffrit d’intolérables douleurs. Gervique et Gradlin commencèrent à être pris également. Sans la provision de jus de citron, dont ils étaient abondamment fournis, ces malheureux auraient promptement succombé à leurs souffrances. Aussi ne leur épargna-t-on pas ce remède souverain.

Mais un jour, le 15 janvier, lorsque Louis Cornbutte descendit à la cambuse pour renouveler ses provisions de citrons, il demeura stupéfait en voyant que les