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un hivernage dans les glaces.

tuyau du poêle sortait par un des murs latéraux, au moyen d’un trou percé dans la neige ; mais il résultait un grave inconvénient de cette disposition, car la chaleur du tuyau faisait fondre peu à peu la neige à l’endroit où il était en contact avec elle, et l’ouverture s’agrandissait sensiblement. Jean Cornbutte imagina d’entourer cette portion du tuyau d’une toile métallique, dont la propriété est d’empêcher la chaleur de passer. Ce qui réussit complétement.

Pendant que Misonne travaillait au traîneau, Penellan, aidé de Marie, préparait les vêtements de rechange pour la route. Les bottes de peau de phoque étaient heureusement en grand nombre. Jean Cornbutte et André Vasling s’occupèrent des provisions ; ils choisirent un petit baril d’esprit-de-vin, destiné à chauffer un réchaud portatif ; des réserves de thé et de café furent prises en quantité suffisante ; une petite caisse de biscuits, deux cents livres de pemmican et quelques gourdes d’eau-de-vie complétèrent la partie alimentaire. La chasse devait fournir chaque jour des provisions fraîches. Une certaine quantité de poudre fut divisée dans plusieurs sacs. La boussole, le sextant et la longue-vue furent mis à l’abri de tout choc.

Le 11 octobre, le soleil ne reparut pas au-dessus de l’horizon. On fut obligé d’avoir une lampe continuellement allumée dans le logement de l’équipage. Il n’y avait pas de temps à perdre, il fallait commencer les explorations, et voici pourquoi :

Au mois de janvier, le froid deviendrait tel qu’il ne serait plus possible de mettre le pied dehors, sans péril pour la vie. Pendant deux mois au moins, l’équipage serait condamné au casernement le plus complet ; puis le dégel commencerait ensuite et se prolongerait jusqu’à l’époque où le navire devrait quitter les glaces. Ce dégel empêcherait forcément toute exploration. D’un autre côté, si Louis Cornbutte et ses compagnons existaient encore, il n’était pas probable qu’ils pussent résister aux rigueurs d’un hiver arctique. Il fallait donc les sauver auparavant, ou tout espoir serait perdu.

André Vasling savait tout cela mieux que personne. Aussi résolut-il d’apporter de nombreux obstacles à cette expédition.

Les préparatifs du voyage furent achevés vers le 20 octobre. Il s’agit alors de choisir les hommes qui en feraient partie. La jeune fille ne devait pas quitter la garde de Jean Cornbutte ou de Penellan. Or, ni l’un ni l’autre ne pouvaient manquer à la caravane.

La question fut donc de savoir si Marie pourrait supporter les fatigues d’un pareil voyage. Jusqu’ici elle avait passé par de rudes épreuves, sans trop en souffrir, car c’était une fille de marin, habituée dès son enfance aux fatigues de la