Page:Verne - Le Docteur Ox.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
maître zacharius.

voyait et n’entendait plus. Le silence n’était interrompu que par les paroles du vieillard et les ricanements de Pittonaccio.

Onze heures sonnèrent. Maître Zacharius tressaillit, et d’une voix éclatante lut ce blasphème :

L’homme doit être l’esclave de la science, et pour elle sacrifier parents et famille.

« Oui, s’écria-t-il, il n’y a que la science en ce monde ! »

Les aiguilles serpentaient sur ce cadran de fer avec des sifflements de vipère, et le mouvement de l’horloge battait à coups précipités.

Maître Zacharius ne parlait plus ! Il était tombé à terre, il râlait, et de sa poitrine oppressée il ne sortait que ces paroles entrecoupées :

« La vie ! la science ! »

Cette scène avait alors deux nouveaux témoins : l’ermite et Aubert. Maître Zacharius était couché sur le sol. Gérande, près de lui, plus morte que vive, priait…

Soudain, on entendit le bruit sec qui précède la sonnerie des heures.

Maître Zacharius se redressa.

« Minuit, » s’écria-t-il.

L’ermite étendit la main vers la vieille horloge… et minuit ne sonna pas.

Maître Zacharius poussa alors un cri qui dut être entendu de l’enfer, lorsque ces mots apparurent :

Qui tentera de se faire l’égal de Dieu sera damné pour l’éternité !

La vieille horloge éclata avec un bruit de foudre, et le ressort, s’échappant, sauta à travers la salle avec mille contorsions fantastiques. Le vieillard se releva, courut après, cherchant en vain à le saisir et s’écriant :

« Mon âme ! mon âme ! »

Le ressort bondissait devant lui, d’un côté, de l’autre, sans qu’il parvînt à l’atteindre !

Enfin Pittonaccio le saisit, et, proférant un horrible blasphème, il s’engloutit sous terre.

Maître Zacharius tomba à la renverse. Il était mort.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le corps de l’horloger fut inhumé au milieu des pics d’Andernatt. Puis, Aubert et Gérande revinrent à Genève, et, pendant les longues années que Dieu leur accorda, ils s’efforcèrent de racheter par la prière l’âme du réprouvé de la science.