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M. Jean m’attendait. Je lui racontai en détail tout ce qui s’était dit entre le sieur Kalkreuth et moi, qui me trouvais directement menacé.

« Cela ne m’étonne nullement, répondit-il, et vous n’en avez pas fini avec la police prussienne ! Pour vous comme pour nous, Natalis, je redoute des complications dans l’avenir ! »


VIII

Cependant les journées se passaient agréablement, — promenades et travail. Mon jeune maître pouvait constater mes progrès. Les voyelles étaient déjà bien casées dans ma tête. Nous avions attaqué les consonnes. Il y en a qui me donnèrent du mal — les dernières surtout. Enfin, cela marchait. Bientôt j’arriverais à assembler les lettres pour former des mots. Il paraît que j’avais de belles dispositions… à trente et un ans !

Nous n’eûmes plus de nouvelles de Kalkreuth. Aucun ordre de me représenter à son bureau. Il n’était pas douteux, toutefois, qu’on nous espionnait, et plus particulièrement votre serviteur, bien que mon genre d’existence ne donnât aucune prise au soupçon. Je pensais donc que j’en serais quitte pour un premier avertissement, et que le directeur de police ne se chargerait ni de me loger ni de me reconduire.

Pendant la semaine qui suivit, M. Jean dut faire une absence de quelques jours. Il lui fallut aller à Berlin pour son maudit procès. À tout prix, il voulait une solution, car la situation devenait pressante. Comment serait-il accueilli ? Reviendrait-il sans même avoir pu obtenir une date pour le jugement ? Cherchait-on à gagner du temps ? C’était à craindre.