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— Pourquoi ?

— Puisque vous êtes arrivé à Belzingen par les routes de la Thuringe.

— De la Thuringe, en effet. »

Je compris que ce curieux savait déjà à quoi s’en tenir. Il ne fallait pas se couper.

« Pourriez-vous me dire sur quel point vous avez passé la frontière de France ? demanda-t-il.

— À Tournay.

— C’est singulier.

— Pourquoi est-ce singulier ?

— Parce que vous êtes signalé comme ayant suivi la route de Zerbst.

— Cela s’explique par le détour. »

Évidemment j’avais été espionné, et, sans doute, par le cabaretier du Ecktvende. On se rappelle que cet homme m’avait vu arriver pendant que ma sœur m’attendait sur la route. En somme, ce n’était que trop visible, Kalkreuth voulait m’engrener pour avoir des nouvelles de France. Je me tins donc plus que jamais sur la réserve.

Il reprit :

« Alors vous n’avez pas rencontré les Allemands du côté de Thionville ?

— Non.

— Et vous ne savez rien du général Dumouriez ?

— Connais pas.

— Ni rien du mouvement des troupes françaises rassemblées à la frontière ?

— Rien. »

Sur ce, la figure de Kalkreuth changea, et sa voix devint impérieuse.

« Prenez garde, monsieur Delpierre ! dit-il.

— À quoi ? répliquai-je.

— Le moment n’est pas favorable aux étrangers pour voyager en