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— Et quand vous repartirez ?…

— Je reprendrai le chemin par lequel je suis venu, tout simplement.

— Et vous aurez raison. À quelle époque, à peu près, comptez-vous repartir ?

— Quand je le jugerai convenable. Je ne pense pas qu’un étranger ne puisse aller et venir en Prusse, comme il lui plaît !

— Peut-être ! »

Le Kalkreuth, sur ce mot, darda plus vivement ses yeux vers moi. Mes réponses, sans doute, lui paraissaient un peu plus décidées qu’il ne convenait. Mais ce ne fut qu’un éclair et le tonnerre ne gronda pas encore.

« Minute ! me dis-je. Ce gaillard-là a bien l’air d’un passe-malin, qui ne demande qu’à me lapider, comme disent nos Picards ! C’est maintenant qu’il faut se tenir sur ses gardes ! »

Kalkreuth revint à l’interrogatoire un instant après, et reprit sa voix doucereuse.

Et alors, il me demanda :

« Combien de jours avez-vous employés à venir de France en Prusse ?

— Neuf jours.

— Et quel chemin avez-vous pris ?

— Le plus court qui était en même temps le meilleur.

— Pourrais-je savoir exactement par où vous êtes passé ?

— Monsieur, dis-je alors, pourquoi toutes ces questions, s’il vous plaît ?

— Monsieur Delpierre, répondit Kalkreuth d’un ton sec, en Prusse, nous avons l’habitude d’interroger les étrangers qui viennent nous rendre visite. C’est une formalité de police, et, sans doute, vous n’avez pas l’intention de vous y soustraire ?

— Soit ! J’ai pris par la frontière des Pays-Bas, le Brabant, la Westphalie, le Luxembourg, la Saxe…

— Alors vous avez dû faire un assez long détour ?…