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Venez faire une promenade. Au retour, nous nous mettrons à la besogne ! »

Et voilà de quelle façon je commençai d’apprendre à lire dans la maison Keller.

Pouvait-on de plus braves gens !


V

Nous fîmes une bonne promenade, nous deux M. Jean, sur la route qui monte vers le Hagelberg, du côté de Brandenbourg. On causait plus qu’on ne regardait. En somme, il n’y avait rien de bien curieux à voir.

Ce que j’observai toutefois, c’est que les gens me dévisageaient beaucoup. Que voulez-vous ? Une figure nouvelle dans une petite ville, c’est un événement.

Je fis aussi cette remarque : c’est que M. Keller semblait jouir de l’estime générale. Dans le nombre de ceux qui allaient et venaient, il en était bien peu qui ne connussent la famille Keller. Aussi que de coups de chapeau, que je croyais devoir rendre fort poliment, bien qu’ils ne me fussent pas personnellement adressés. Il ne fallait point manquer à la vieille politesse française !

De quoi M. Jean m’a-t-il causé pendant cette promenade ? Ah ! de ce qui préoccupe surtout sa famille, de ce procès qui n’en finissait pas.

Il me raconta l’affaire tout au long. Les fournitures soumissionnées avaient été livrées dans les délais voulus. M. Keller, étant prussien, remplissait les conditions exigées par le cahier des charges, et le bénéfice, légitimement, honnêtement acquis, aurait dû lui être accordé sans contestation. À coup sûr, si jamais procès méritait