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XXV

Nous sommes arrivés au dénouement de ce récit, que j’aurais pu intituler : Histoire d’un congé en Allemagne.

Le soir même, dans une maison du village de Valmy, Mme Keller, M. et Mlle de Lauranay, ma sœur Irma, M. Jean et moi, on se retrouvait tous ensemble.

Quelle joie ce fut de se revoir, après tant d’épreuves ! Ce qui se passa entre nous, on le devine.

« Minute ! dis-je alors. Je ne suis pas curieux, et, pourtant, de rester ainsi le bec dans l’eau !… Je voudrais bien comprendre…

— Comment il se fait, Natalis, que Jean soit ton compatriote ? répondit ma sœur.

— Oui, Irma, et cela me paraît si singulier que vous avez dû faire erreur…

— On ne commet pas de ces erreurs-là, mon brave Natalis ! » répliqua M. Jean.

Et voilà ce qui me fut raconté en quelques mots.

Au village de la Croix-aux-Bois où nous avions laissé M. de Lauranay et ses compagnes, gardées à vue dans la maison de Hans Stenger, les Autrichiens ne tardèrent pas à être remplacés par une colonne prussienne. Cette colonne comptait dans ses rangs un certain nombre de jeunes gens que la levée du 31 juillet avait arrachés à leurs familles.

Parmi ces jeunes gens se trouvait un brave garçon, nommé Ludwig Pertz, qui était de Belzingen. Il connaissait Mme Keller et vint la voir, quand il apprit qu’elle était prisonnière des Prussiens. On lui raconta alors ce qui était arrivé à M. Jean, et comment il avait dû prendre la fuite à travers les bois de l’Argonne.