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autour de nous, je vis Jean Keller s’élancer le sabre haut. Il avait reconnu un des régiments prussiens que nous commencions à rejeter sur les pentes de Valmy.

C’était le régiment du colonel von Grawert. Le lieutenant Frantz se battait avec un grand courage, car ce n’est pas le courage qui manque aux officiers allemands.

M. Jean et lui se trouvèrent face à face.

Le lieutenant devait croire que nous étions tombés sous les balles prussiennes, et il nous retrouvait là ! On juge s’il dut être stupéfait ! Mais à peine eut-il le temps de se reconnaître. D’un bond, M. Jean se jeta sur lui, et, du revers de son sabre, il lui fendit la tête…

Le lieutenant tomba mort, et j’ai toujours pensé que cela était juste qu’il fût frappé de la main même de Jean Keller !

Cependant les Prussiens cherchaient toujours à conquérir le plateau. Ils attaquaient avec une vigueur extraordinaire. Mais nous les valions bien, et vers deux heures après-midi, ils durent cesser leurs feux et redescendre dans la plaine.

La bataille n’était que suspendue, pourtant. À quatre heures, le roi de Prusse, marchant en tête, reforma trois colonnes d’attaque avec ce qu’il avait de meilleur en infanterie et en cavalerie. Alors, une batterie de vingt-quatre pièces, établie au pied du moulin, foudroya les Prussiens avec une telle violence, qu’ils ne purent gravir les pentes balayées par les boulets. Puis, la nuit venant, ils se retirèrent.

Kellermann était resté maître du plateau, et le nom de Valmy courait la France, le jour même où la Convention, tenant sa seconde séance, décrétait la République.