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celles de Gizaucourt. Nous avions bien, il est vrai, celles de l’Hyron, dont Clairfayt cherchait à se rendre maître avec vingt-cinq mille Autrichiens, et, s’il y réussissait, les Français seraient foudroyés de flanc et de front.

Dumouriez vit ce danger. Il envoya Stengel avec seize bataillons, afin de repousser Clairfayt, et Chazot, de manière à occuper Gizaucourt avant les Prussiens. Chazot arriva trop tard. La place était prise, et Kellermann fut réduit à se défendre dans Valmy contre une artillerie qui le broyait de toutes parts. Un caisson éclata près du moulin. Ce fut un moment de désordre. Nous étions là, M. Jean et moi, avec l’infanterie française, et c’est miracle que nous n’ayions pas été tués.

Ce fut alors que le duc de Chartres accourut avec une réserve d’artillerie et put répondre heureusement au canon de la Lune et de Gizaucourt.

Toutefois, l’affaire allait devenir plus chaude encore. Les Prussiens, rangés sur trois colonnes, montaient à l’assaut du moulin de Valmy pour nous en déloger et nous jeter dans le marécage.

Je vois encore Kellermann et je l’entends aussi. Il donna l’ordre de laisser arriver l’ennemi jusqu’à la crête, avant de foncer dessus. On est prêt, on attend. Il n’y a plus qu’à sonner la charge.

Et alors, au bon moment, ce cri s’échappe de la bouche de Kellermann :

« Vive la nation !

— Vive la nation ! » répondîmes-nous.

Et cela fut crié avec une telle force que les décharges de l’artillerie n’empêchèrent pas de l’entendre.

Les Prussiens étaient arrivés à la crête du mamelon. Avec leurs colonnes bien en ligne, leur pas cadencé, le sang-froid qu’ils montraient, ils étaient terribles à affronter. Mais l’élan français l’emporta. On se jeta sur eux. La mêlée fut horrible, et, de part et d’autre, l’acharnement effroyable.

Tout à coup, au milieu de la fumée des coups de feu qui éclataient