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XXIV

M. Jean m’avait entraîné, sans avoir pris le temps de s’expliquer. Nous nous étions joints aux Français qui s’élançaient hors du bois, et nous marchions au canon, qui commençait à rouler en fracas continu.

J’essayais en vain de réfléchir. Comment, Jean Keller, fils de M. Keller, allemand d’origine, était Français ? Comprenais pas ! Tout ce que je puis dire, c’est qu’il allait se battre comme s’il l’était, et moi avec !

Il faut raconter maintenant quels événements avaient marqué cette matinée du 20 septembre, et comment un détachement de nos soldats s’était trouvé si à propos dans le petit bois qui borde la route de Châlons.

On s’en souvient, dans la nuit du 16, Dumouriez avait fait détendre le camp de Grand-Pré pour se porter sur les positions de Sainte-Menehould, où il était arrivé le lendemain, après une marche de quatre à cinq lieues.

Devant Sainte-Menehould s’arrondissent différentes hauteurs, séparées par de profonds ravins.

Leur pied est défendu par des fondrières et des marécages, formés par l’Aure jusqu’à l’endroit où cette rivière se jette dans l’Aisne.

Ces hauteurs sont, à droite, celles de l’Hyron, situées en face des collines de la Lune, à gauche, celles de Gizaucourt. Entre elles et Sainte-Menehould s’étend une sorte de bassin marécageux que traverse la route de Châlons. À sa surface, ce bassin est accidenté de quelques mamelons de moindre importance, — entre autres celui du