Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Moi aussi, je le veux ! »

Devant ces deux volontés, il n’y avait plus qu’à obéir. Le bruit redoublait. Déjà la tête de la colonne se répandait à travers le village. Bientôt les Autrichiens viendraient occuper la maison de Hans Stenger.

M. Jean embrassa sa mère, il donna un dernier baiser à Mlle Marthe, puis disparut.

Et alors, j’entendis Mme Keller murmurer ces mots.

« Mon fils !… Mon fils !… seul… dans ce pays qu’il ne connaît pas !… Natalis…

— Natalis !… » répéta Mlle Marthe en me montrant la porte.

J’avais compris ce que ces deux pauvres femmes attendaient de moi.

« Adieu ! » m’écriai-je.

Un instant après, j’étais hors du village.


XXI

Séparés, après trois semaines d’un voyage qu’un peu plus de chance eût mené à bonne fin ! Séparés, lorsque, quelques lieues au-delà, c’était le salut assuré pour tous ! Séparés avec la crainte de ne plus jamais se revoir !

Et ces femmes, abandonnées dans la maison d’un paysan, au milieu d’un village occupé par l’ennemi, n’ayant pour défenseur qu’un vieillard de soixante-dix ans !

En vérité, est-ce que je n’aurais pas dû rester près d’elles ?… Mais, ne songeant qu’au fugitif, à travers cette redoutable Argonne qu’il ne connaissait pas, pouvais-je hésiter à rejoindre M. Jean à qui je serais si utile ? Pour M. de Lauranay et ses compagnes, il n’y allait