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ce fut cette année-là que, par suite du décret du 21 février, de régiment il devint demi-brigade. Il fit alors les campagnes de l’armée du Nord et de l’armée de Sambre-et-Meuse jusqu’en 1797. Il se distingua aux combats de Lincelles et de Courtray, où je fus fait lieutenant. Puis, après avoir séjourné à Paris de 97 à 1800, il compta dans l’armée d’Italie et s’illustra à Marengo, en enveloppant six bataillons de grenadiers autrichiens, qui mirent bas les armes, après la déroute d’un régiment hongrois. Dans cette affaire, je fus blessé d’une balle à la hanche — ce dont je ne me plaignis pas, car cela me valut d’être nommé capitaine.

Le régiment de Royal-Picardie ayant été licencié en 1803, j’entrai dans les dragons, je fis toutes les guerres de l’Empire et pris ma retraite en 1815.

Maintenant, lorsque je parlerai de moi, ce sera uniquement pour raconter ce que j’ai vu ou fait pendant mon congé en Allemagne. Mais, qu’on ne l’oublie pas, je suis peu instruit. Je n’ai guère l’art de dire les choses. Ce ne sont que des impressions sur lesquelles je ne cherche point à raisonner. Et surtout, si, dans ce simple récit, il m’échappe des expressions ou tournures picardes, vous les excuserez : je ne saurais parler autrement. J’irai vite et vite, d’ailleurs, et ne mettrai pas deux pieds dans un soulier. Je dirai tout aussi, et, puisque je vous demande la permission de m’exprimer sans réserve, vous me répondrez, je l’espère : « Toute liberté, monsieur ! »