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Quant à Dumouriez, il était à Sedan avec vingt-trois mille hommes. Kellermann, qui remplaçait Luckner, occupait Metz avec vingt mille. Quinze mille à Landau, sous Custine, trente mille en Alsace, sous Biron, étaient prêts à se joindre, suivant le besoin, soit à Dumouriez, soit à Kellermann.

Enfin, en dernières nouvelles, la gazette nous apprit que les Prussiens venaient de prendre Longwy, qu’ils bloquaient Thionville et que le gros de leur armée marchait sur Verdun.

Nous revînmes à l’hôtel, et, quand elle sut ce qui se passait, Mme Keller, bien que très affaiblie, refusa de nous faire perdre vingt-quatre heures à Mayence — repos qui lui eût été bien nécessaire. Mais elle tremblait que son fils fût découvert. On repartit donc le lendemain, premier jour de septembre. Une trentaine de lieues nous séparaient encore de la frontière.

Notre cheval, quelque ménagement que j’en prisse, n’allait pas vite. Et pourtant, combien cela pressait ! Ce fut le soir, seulement, que nous aperçûmes les ruines d’un vieux château-fort au sommet du Schlossberg. Au pied s’étendait Kreuznach, ville importante du district de Coblentz, située sur la Nahe, et qui, après avoir appartenu à la France en 1801, revint à la Prusse en 1815.

Le lendemain, nous atteignions la bourgade de Kirn, et, vingt-quatre heures après, celle de Birkenfeld. Très heureusement, les provisions ne manquant pas, nous avions pu, Mme Keller, M. Jean et nous, tourner ces petites villes, qui n’étaient point portées sur notre itinéraire. Mais il avait fallu se contenter de la patache pour tout abri, et les nuits, passées dans ces conditions, ne laissaient pas d’être très pénibles.

Il en fut de même, quand nous fîmes halte, le 3 septembre au soir. Le lendemain, à minuit, expirait le délai qui nous avait été assigné pour évacuer le territoire allemand. Et nous étions encore à deux journées de marche de la frontière ! Que deviendrions-nous si nous étions arrêtés en route, sans passeports valables, par les agents Prussiens.