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nous arrivait d’aller tous deux à pied, afin de ne point surmener le cheval. Je n’avais pas eu le choix pour celui-là. Ah ! nos pauvres bêtes de Belzingen !

Le 26, au soir, nous arrivions à Fulda, après avoir aperçu de loin le dôme de sa cathédrale, et, sur une hauteur, un couvent de Franciscains. Le 27, nous traversions Schlinchtern, Sodon, Salmunster, au confluent de la Salza et de la Kinzig. Le 28, nous arrivions à Gelnhausen, et, si nous avions voyagé pour notre plaisir, il aurait fallu, paraît-il, visiter son château qui fut habité par Frédéric Barberousse, à ce qu’on m’a dit depuis. Mais des fugitifs, ou à peu près, avaient autre chose à faire.

Cependant la patache n’allait pas aussi vite que je l’aurais voulu, à cause du mauvais état d’une route qui, principalement aux environs de Salmunster, traversait des forêts interminables, coupées de ces vastes étangs que nous appelons entailles en Picardie. On ne marchait qu’au pas. De là, des retards qui ne laissaient pas d’être inquiétants. Il y avait treize jours que nous étions partis. Encore sept jours, et nos passeports seraient sans valeur.

Mme Keller était bien fatiguée. Qu’arriverait-il, si ses forces lui faisaient défaut, s’il fallait la laisser dans quelque ville ou village ? Son fils n’y pourrait demeurer avec elle, qui ne l’eût pas permis. Tant que la frontière française ne serait pas entre M. Jean et les agents prussiens, il courait danger de mort.

Que de difficultés nous eûmes à franchir la forêt de Lomboy, qui s’étend de gauche à droite de la Kinzig jusqu’aux montagnes de la Hesse-Darmstadt ! Je crus que nous n’arriverions pas de l’autre côté de la rivière, et il fallut perdre beaucoup de temps avant de trouver un gué.

Enfin, le 29, la patache s’arrêta un peu avant Hanau. Nous dûmes passer la nuit dans cette ville, où se faisait un mouvement considérable de troupes et d’équipages. Comme M. Jean et sa mère auraient eu à faire à pied un crochet de deux lieues pour la tourner, M. de Lauranay et Mlle Marthe restèrent avec eux dans la patache. Ma