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la limite de la forêt, Natalis, je vous ai reconnu à votre sifflement…

— Et moi qui ai tiré sur vous, monsieur Jean !… En voyant un homme bondir…

— Peu importe, Natalis ! mais il se peut que votre coup de feu ait été entendu, il faut que je parte à l’instant !…

— Seul ?… s’écria Mlle Marthe.

— Non ! nous partirons ensemble ! répondit M. Jean. S’il est possible, ne nous séparons plus avant d’avoir atteint la frontière de France. Au-delà, il sera temps d’en venir à une séparation qui peut être si longue !… »

Nous savions tout ce qu’il nous importait de savoir, c’est-à-dire combien la vie de M. Jean serait menacée, si le braconnier Buch et ses deux fils retrouvaient ses traces. Sans doute, on se défendrait contre ces gueux ! On ne se rendrait pas sans lutte ! Mais quelle en serait l’issue, au cas où les Buch auraient raccolé des chenapans de leur espèce, comme il y en avait tant à courir la campagne ?

En quelques mots, M. Jean fut instruit de tout ce qui s’était passé depuis notre départ de Belzingen, et comment le voyage avait été favorisé jusqu’à l’accident du Gebauër.

Maintenant, le manque de chevaux et de voiture nous mettait dans un extrême embarras.

« Il faut se procurer à tout prix des moyens de transport, dit M. Jean.

— J’espère que nous pourrons en trouver à Tann, répondit M. de Lauranay. En tout cas, mon cher Jean, ne restons pas plus longtemps dans cette hutte. Buch et ses fils se sont peut-être rabattus de ce côté… Il faut profiter de la nuit…

— Pourrez-vous nous suivre, Marthe ? demanda M. Jean.

— Je suis prête ! dit Mlle de Lauranay.

— Et toi, ma mère, toi qui viens de supporter tant de fatigues ?

— En route, mon fils ! » répondit Mme Keller.

Il nous restait quelques provisions, de quoi aller jusqu’à Tann.