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En somme, nous n’avions pas été très éprouvés depuis quatre jours que nous avions quitté Belzingen. Et je pensais :

« Si nous avions pu voyager tous ensemble, comme on se fût serré dans le fond de la voiture pour faire place à Mme Keller et à son fils ! Enfin ! »

Notre itinéraire coupait alors cette contrée qui forme le district d’Erfurth, l’un des trois districts de la province de Saxe. Les chemins, assez bien tracés, nous permirent de marcher rapidement. Certainement, j’eusse lancé mes chevaux plus à fond, sans un accident de roue qui ne put être réparé à Weissensee. Il le fut à Tennstedt, par un charron peu habile. Cela ne laissa pas de m’inquiéter pour le reste du voyage.

Si l’étape fut forte ce jour-là, nous étions soutenus par l’espoir d’arriver le soir même à Gotha. Là, on se reposerait — à la condition de trouver un gîte convenable.

Non pour moi, grand Dieu ! Bâti à chaux et à sable, je pouvais supporter de bien autres épreuves. Mais M. de Lauranay et sa demoiselle, s’ils ne se plaignaient pas, me semblaient très fatigués déjà. Ma sœur Irma s’en tirait mieux. Et puis, tout notre petit monde était si triste !

De cinq heures à neuf heures du soir, nous enlevâmes une huitaine de lieues, après avoir passé la Schambach et quitté le territoire de la Saxe pour celui de Saxe-Cobourg. Enfin, à onze heures, la berline s’arrêtait à Gotha. Nous avions formé le projet d’y séjourner pendant vingt-quatre heures. Nos pauvres bêtes avaient bien gagné un repos d’une nuit et d’un jour. Décidément, en les choisissant, j’avais eu la main heureuse. Rien de tel que de s’y connaître et de ne pas regarder au prix.

J’ai dit que nous n’étions arrivés à Gotha qu’à onze heures du soir. Des formalités aux portes de la ville nous avaient causé quelques retards. Bien certainement, faute de papiers en règle, on nous eût retenus. Agents civils, agents militaires, tous déployaient une excessive sévérité. Il était heureux que le gouvernement prussien, en pronon-