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Malin, va ! J’imagine que l’État, c’était lui, comme a dit Louis XIV, et qu’il réquisitionnait pour son compte.

Mais, minute ! quoiqu’il en eût, il lui fallut respecter nos passeports et la signature du directeur de police. Nous perdîmes cependant une grande heure à batailler avec ce coquin. Enfin, la berline se remit au trot afin de regagner le temps perdu.

On se trouvait alors sur le territoire qui a formé depuis la principauté d’Anhalt. Les routes y étaient moins encombrées, parce que le gros de l’armée prussienne filait plus au nord, dans la direction de Magdebourg.

Nous n’éprouvâmes aucune difficulté pour atteindre Zerbst — sorte de bourgade de mince importance, à peu près dépourvue de ressources, où nous arrivâmes vers neuf heures du soir. On voyait que les maraudeurs avaient passé par là, et ils ne se gênaient pas de vivre sur le pays. Si peu exigeants que l’on soit, ce n’est pas trop l’être que de prétendre à un gîte pour la nuit. Or, ce gîte, au milieu de ces maisons closes par prudence, nous eûmes quelque peine à l’obtenir. Je vis le moment où il faudrait rester jusqu’au jour dans la berline. Nous, cela pouvait aller encore, mais nos chevaux ? Ne leur fallait-il pas fourrage et litière ? Je songeais à eux avant tout, et frémissais à la pensée qu’ils pourraient nous manquer en route !

Je proposai donc de continuer afin d’atteindre un autre lieu de halte — Acken, par exemple, à trois lieues et demie de Zerbst, dans le sud-ouest. Nous pouvions y arriver avant minuit, quitte à ne repartir que vers dix heures, le lendemain, afin de ne rien prendre sur le repos de l’attelage.

Toutefois, M. de Lauranay me fit alors observer que nous aurions l’Elbe à franchir, que le passage s’effectuait au moyen d’un bac, et qu’il valait mieux procéder à ce passage pendant le jour.

M. de Lauranay ne se trompait pas. Nous devions rencontrer l’Elbe avant de traverser Acken. Il pouvait se rencontrer là quelques difficultés.