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ranay occuperaient le fond de la berline, tandis que ma sœur prendrait place sur le devant, en face de la jeune fille. Moi, vêtu d’un bon vêtement et, par surcroît, muni d’une épaisse roulière, je pourrais braver le mauvais temps.

Les derniers adieux furent faits. Nous embrassâmes Mme Keller, avec ce triste pressentiment qui nous serrait le cœur : Devons-nous jamais nous revoir ?

Le temps était assez beau, mais la chaleur serait probablement très forte vers le milieu du jour. Aussi était-ce ce moment que je comptais choisir, entre midi et deux heures, pour laisser reposer mes chevaux — repos indispensable, si l’on voulait qu’ils pussent fournir de bonnes étapes.

Nous étions enfin partis, et, tout en sifflant pour exciter mon attelage, je déchirais l’air avec les virevoltes de mon fouet.

Au delà de Belzingen, nous passâmes, sans avoir trop à souffrir de l’encombrement des routes, occupées par l’armée en marche vers Coblentz.

On ne compte que deux lieues environ de Belzingen à Borna, et nous arrivâmes donc en une heure à cette petite localité.

C’était là que le régiment de Leib avait tenu garnison pendant quelques semaines. C’était de là qu’il avait été dirigé sur Magdebourg, où Mme Keller allait le rejoindre.

Mlle Marthe éprouva une vive émotion en traversant les rues de Borna. Elle se représentait M. Jean, sous les ordres du lieutenant Frantz, suivant ce chemin que notre itinéraire nous obligeait d’abandonner alors pour prendre la direction du sud-ouest !…

Je ne m’arrêtai point à Borna, ne comptant le faire que quatre lieues plus loin sur la frontière qui délimite à présent la province de Brandebourg. Mais, à l’époque, suivant les anciennes divisions du territoire allemand, c’étaient les routes de la Haute-Saxe que nous allions descendre.

Midi sonnait, lorsque nous atteignîmes ce point de la frontière. Quelques détachements de cavaliers y bivaquaient. Un cabaret isolé