à l’extérieur. La fumée est moins abondante, quoique noire encore. Il est certain que le Chancellor a une grande quantité d’eau dans sa cale, mais on ne peut s’en assurer, le pont n’étant pas praticable.
Robert Kurtis fait alors arroser les planches brûlantes, et, deux heures après, les matelots peuvent marcher sur le pont.
Le premier soin est de sonder, et c’est le bosseman qui procède à cette opération. Vérification faite, il y a cinq pieds d’eau dans la cale, mais le capitaine ne donne pas encore l’ordre de l’épuiser, car il veut qu’elle achève sa besogne. L’incendie d’abord. L’eau ensuite.
Maintenant, vaut-il mieux abandonner immédiatement le navire et se réfugier sur l’écueil ? Ce n’est pas l’avis du capitaine Kurtis, qui est approuvé par le lieutenant et le bosseman. En effet, par une mer mauvaise, la position ne doit pas être tenable sur ces roches, même sur les plus élevées, que doivent balayer les grandes lames. Quant aux chances d’explosion que présente le navire, elles sont notablement diminuées maintenant ; l’eau a certainement envahi la partie de la cale où est déposée la pacotille de Ruby, et par conséquent, la bonbonne de picrate. Il est donc décidé que ni les passagers, ni l’équipage ne quitteront le Chancellor.
On s’occupe alors de préparer à l’arrière, sur la dunette, une sorte de campement, et quelques matelas, que le feu n’a pas atteints, sont disposés pour les deux passagères. Les hommes de l’équipage qui ont sauvé leurs sacs, les placent sous le gaillard d’avant. C’est là qu’ils se logeront, leur poste étant absolument inhabitable.
Très-heureusement, les dégâts n’ont pas été très-grands dans la cambuse ; les vivres ont été épargnés en grande partie, ainsi que les caisses à eau. Le magasin des voiles de rechange, situé à l’avant, est également intact.
Enfin, peut-être sommes-nous au terme de nos épreuves ! On serait tenté de le croire, car depuis le matin, le vent a considérablement molli, et, au large, la houle s’est beaucoup apaisée. C’est là une circonstance favorable, car des coups de mer qui viendraient battre en ce moment le Chancellor, le briseraient inévitablement sur ces durs basaltes.
MM. Letourneur et moi, nous avons longuement parlé des officiers du bord, de l’équipage et de la manière dont tous se sont conduits pendant cette période de dangers. Tous ont montré du courage et de l’énergie. Le lieutenant Walter, le bosseman, le charpentier Daoulas se sont particulièrement distingués. Il y a là de braves gens, de bons marins, sur lesquels on peut compter. Quant à Robert Kurtis, son éloge n’est pas à faire. Maintenant, comme toujours, il se multiplie, il est partout ; nulle difficulté ne se présente qu’il ne soit prêt à résoudre ;