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martin paz.

abrupts l’immense entassement de rochers qui conduisaient au niveau supérieur du fleuve, et la victime y arriva tout ensanglantée. Un canot d’écorce l’attendait à cent pas de la chute. Elle y fut déposée et attachée par des liens qui lui entraient dans les chairs.

« Vengeance ! » s’écria la tribu entière d’une seule et même voix.

Le canot fut entraîné rapidement et tournoya sur lui-même…

Soudain deux hommes parurent sur la rive opposée. C’étaient Martin Paz et don Végal.

« Ma fille ! ma fille ! » s’écria le père, en tombant à genoux sur la rive.

Le canot courait vers la cataracte.

Martin Paz, debout sur un rocher, balança son lazo, qui siffla autour de sa tête. À l’instant où l’embarcation allait être précipitée, la longue lanière de cuir se déroula et saisit le canot de son nœud coulant.

« À mort ! » hurla la horde sauvage des Indiens.

Martin Paz se raidit alors, et le canot, suspendu sur l’abîme, peu à peu, vint à lui…

Soudain une flèche siffla à travers les airs, et Martin Paz, tombant en avant dans la barque de la victime, alla s’engloutir avec Sarah dans le tourbillon de la cataracte.

Presque au même instant, une seconde flèche atteignait don Végal et lui perçait le cœur.

Martin Paz et Sarah étaient fiancés pour la vie éternelle. Car, dans leur suprême réunion, le dernier geste de la jeune fille avait imprimé le sceau du baptême au front de l’Indien régénéré.

FIN