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martin paz.

agresseurs par derrière, les força de se retourner contre lui, et, au milieu des balles, il arriva jusqu’à don Végal, auquel il fit un rempart de son corps.

« Bien, mon fils, bien ! » dit don Végal à Martin Paz en lui étreignant la main.

Mais le jeune Indien était sombre.

« Bien, Martin Paz ! » s’écria une autre voix, qui lui alla jusqu’à l’âme.

Il reconnut Sarah, et son bras traça un vaste cercle de sang autour de lui.

Cependant, la troupe du Sambo pliait à son tour. Vingt fois, ce nouveau Brutus avait dirigé ses coups contre son fils, sans pouvoir l’atteindre, et vingt fois Martin Paz avait détourné son arme prête à frapper son père.

Soudain, Manangani, couvert de sang, parut auprès du Sambo.

« Tu as juré, lui dit-il, de venger la trahison d’un infâme sur ses proches, sur ses amis, sur lui-même ! Il est temps ! Voici les soldats qui arrivent ! Le métis André Certa est avec eux !

— Viens donc, Manangani, dit le Sambo avec un rire féroce, viens donc ! »

Et tous deux, abandonnant la maison de don Végal, coururent vers la troupe qui arrivait au pas de course. On les coucha en joue, mais, sans être intimidé, le Sambo alla droit au métis.

« Vous êtes André Certa, lui dit-il. Eh bien, votre fiancée est dans la maison de don Végal, et Martin Paz va l’entraîner dans les montagnes ! »

Cela dit, les Indiens disparurent.

Ainsi, le Sambo avait mis face à face les deux mortels ennemis, et, trompés par la présence de Martin Paz, les soldats s’élancèrent contre la maison du marquis.

André Certa était ivre de fureur. Dès qu’il aperçut Martin Paz, il se précipita sur lui.

« À nous deux ! » hurla le jeune Indien, et, quittant l’escalier de pierre qu’il avait si vaillamment défendu, il rejoignit le métis.

Ils étaient là, pied contre pied, poitrine contre poitrine, leurs visages se touchant, leurs regards se confondant dans un seul éclair. Amis et ennemis ne pouvaient les approcher. Ils s’étreignirent alors, et, dans cette terrible étreinte, la respiration leur manqua. Mais André Certa se redressa contre Martin Paz, dont le poignard s’était échappé. Le métis leva son bras, que l’Indien parvint à saisir avant qu’il eût frappé. André Certa voulut en vain se dégager. Martin Paz, retournant le poignard contre le métis, le lui plongea tout entier dans le cœur.

Puis il se jeta dans les bras de don Végal.