Page:Verne - Le Chancellor - Martin Paz, Hetzel, 1876.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.
212
martin paz.

allait y entrer sans doute ; son fiancé l’accompagnait peut-être ! Martin Paz éteignit subitement la lampe suspendue au-dessus de sa tête… Un sifflement, rappelant celui qui s’était fait entendre sur la Plaza-Mayor, perça les ténèbres de la nuit.

La porte s’ouvrit brusquement. Samuel et André Certa entrèrent. L’obscurité était profonde. Quelques serviteurs accoururent avec des flambeaux… La chambre était vide !

« Mort et furie ! s’écria le métis.

— Où est-elle ? dit Samuel.

— Vous en êtes responsable envers moi, » lui répondit brutalement André Certa.

À ces paroles, le juif sentit une sueur froide le glacer jusqu’aux os.

« À moi ! » s’écria-t-il.

Et, suivi de ses domestiques, il s’élança hors de la maison.

Cependant, Martin Paz fuyait rapidement à travers les rues de la ville. À deux cents pas de la demeure du juif, il trouva quelques Indiens qui s’étaient rassemblés au sifflement poussé par lui.

« À nos montagnes ! s’écria-t-il.

— À la maison du marquis don Végal ! » dit une voix derrière lui.

Martin Paz se retourna.

L’Espagnol était à ses côtés.

« Ne me confierez-vous pas cette jeune fille ? » lui demanda don Végal.

L’Indien courba la tête, et d’une voix sourde :

« À la demeure du marquis don Végal ! » répondit-il.

Martin Paz, subissant l’ascendant du marquis, lui avait confié la jeune fille. Il savait qu’elle était en sûreté dans sa maison, et, comprenant à quoi l’honneur l’engageait, il ne voulut point passer la nuit sous le toit de don Végal.

Il sortit donc ; sa tête était brûlante, et la fièvre faisait bouillir son sang dans ses veines.

Mais, il n’avait pas fait cent pas que cinq ou six hommes se jetèrent sur lui, et, malgré sa défense opiniâtre, parvinrent à le garrotter. Martin Paz poussa un rugissement de désespoir. Il se crut au pouvoir de ses ennemis.

Quelques instants après, il était déposé dans une chambre, et on lui enlevait le bandeau qui lui couvrait les yeux. Il regarda autour de lui et se vit dans la salle basse de cette taverne où ses frères avaient organisé leur première révolte.

Le Sambo, qui avait assisté à l’enlèvement de la jeune fille, était là. Manangani et d’autres l’entouraient. Un éclair de haine jaillit des yeux de Martin Paz.