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martin paz.

suis-je maintenant ? ajouta Martin Paz avec une grande tristesse. Un fugitif qui n’aurait pas trois heures à vivre dans les rues de Lima !

— Ami, il faut me promettre de n’y pas retourner…

— Eh ! puis-je vous le promettre, don Végal ? Je ne parlerais pas selon mon cœur ! »

Don Végal demeura silencieux. La passion du jeune Indien s’accroissait de jour en jour. Le marquis tremblait de le voir courir à une mort certaine, s’il reparaissait à Lima… Il hâtait de tous ses vœux, il eût voulu hâter de tous ses efforts le mariage de la juive !

Pour s’assurer par lui-même de l’état des choses, il quitta Chorillos un matin et revint à la ville. Là, il apprit que, remis de sa blessure, André Certa était sur pied, et que son prochain mariage faisait l’objet de toutes les conversations.

Don Végal voulut connaître cette jeune fille, aimée de Martin Paz. Il se rendit, le soir, sur la Plaza-Mayor, où la foule était toujours nombreuse. Là, il fit la rencontre du père Joachim, son vieil ami. Quel fut l’étonnement du prêtre, quand don Végal lui apprit l’existence de Martin Paz, et avec quel empressement il promit de veiller sur le jeune Indien et de faire parvenir au marquis les nouvelles qui l’intéresseraient !

Tout à coup, les regards de don Végal se portèrent sur une jeune fille enveloppée d’une mante noire, qui était assise dans le fond d’une calèche.

« Quelle est cette belle personne ? demanda-t-il au père Joachim.

— C’est la fiancée d’André Certa, la fille du juif Samuel.

— Elle ! la fille du juif ! »

Le marquis contint à peine son étonnement, et, serrant la main du père Joachim, il reprit le chemin de Chorillos.

Sa surprise s’expliquait, puisqu’il venait de reconnaître, dans la prétendue juive, cette jeune fille qu’il avait vue prier à l’église Sainte-Anne.

V

Depuis que les troupes colombiennes, mises par Bolivar aux ordres du général Santa-Cruz, avaient été chassées du bas Pérou, ce pays, jusqu’alors agité par les révoltes militaires, avait repris quelque calme et quelque tranquil-