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Franz, ne faisant pas un mouvement, attendait que la porte s’ouvrît…

Elle ne s’ouvrit pas, et une voix d’une douceur infinie arriva jusqu’au jeune comte.

C’était la voix de la Stilla… oui !… mais sa voix un peu affaiblie avec toutes ses inflexions, son charme inexprimable, ses caressantes modulations, admirable instrument de cet art merveilleux qui semblait être mort avec l’artiste.

Et la Stilla répétait la plaintive mélodie, qui avait bercé le rêve de Franz, lorsqu’il sommeillait dans la grande salle de l’auberge de Werst :

Nel giardino de’mille fiori,
Andiamo, mio cuore…

Ce chant pénétrait Franz jusqu’au plus profond de son âme… Il l’aspirait, il le buvait comme une liqueur divine, tandis que la Stilla semblait l’inviter à la suivre, répétant :

Andiamo, mio cuore… andiamo…

Et pourtant la porte ne s’ouvrait pas pour lui livrer passage !… Ne pourrait-il donc arriver jusqu’à la Stilla, la prendre entre ses bras, l’entraîner hors du burg ?…

« Stilla… ma Stilla… » s’écria-t-il.

Et il se jeta sur la porte, qui résista à ses effets.

Déjà le chant semblait s’affaiblir… la voix s’éteindre… les pas s’éloigner…

Franz, agenouillé, cherchait à ébranler les ais, se déchirant les mains aux ferrures, appelait toujours la Stilla, dont la voix ne s’entendait presque plus.

C’est alors qu’une effroyable pensée lui traversa l’esprit comme un éclair.

« Folle !… s’écria-t-il, elle est folle, puisqu’elle ne m’a pas reconnu… puisqu’elle n’a pas répondu !… Depuis cinq ans, enfermée