Page:Verne - Le Château des Carpathes.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Après être resté pendant une heure comme anéanti dans un fauteuil, il se releva, quitta l’auberge, se dirigea vers l’extrémité de la terrasse, regarda au loin.

Sur la croupe du Plesa, au centre du plateau d’Orgall, se dressait le château des Carpathes. Là avait vécu cet étrange personnage, le spectateur de San-Carlo, l’homme qui inspirait une si insurmontable frayeur à la malheureuse Stilla. Mais, à présent, le burg était délaissé, et le baron de Gortz n’y était pas rentré depuis qu’il avait fui Naples. On ignorait même ce qu’il était devenu, et il était possible qu’il eût mis fin à son existence, après la mort de la grande artiste.

Franz s’égarait ainsi à travers le champ des hypothèses, ne sachant à laquelle s’arrêter.

D’autre part, l’aventure du forestier Nic Deck ne laissait pas de le préoccuper dans une certaine mesure, et il lui aurait plu d’en découvrir le mystère, ne fût-ce que pour rassurer la population de Werst.

Aussi, comme le jeune comte ne mettait pas en doute que des malfaiteurs eussent pris le château pour refuge, il résolut de tenir la promesse qu’il avait faite de déjouer les manœuvres de ces faux revenants, en prévenant la police de Karlsburg.

Toutefois, pour être en mesure d’agir, Franz voulait avoir des détails plus circonstanciés sur cette affaire. Le mieux était de s’adresser au jeune forestier en personne. C’est pourquoi, vers trois heures de l’après-midi, avant de retourner au Roi Mathias, il se présenta à la maison du biró.

Maître Koltz se montra très honoré de le recevoir — un gentilhomme tel que M. le comte de Télek… ce descendant d’une noble famille de race roumaine… auquel le village de Werst serait redevable d’avoir retrouvé le calme… et aussi la prospérité… puisque les touristes reviendraient visiter le pays… et acquitter les droits de péage, sans avoir rien à craindre des génies malfaisants du château des Carpathes… etc., etc.