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des êtres humains auxquels il avait affaire. Quelle bonne fortune pour le Roi Mathias !

Le plus jeune de ces voyageurs paraissait avoir trente-deux ans environ. Une taille élevée, une figure noble et belle, des yeux noirs, des cheveux châtain foncé, une barbe brune élégamment taillée, la physionomie un peu triste mais fière, tout cela était d’un gentilhomme, et un aubergiste aussi observateur que Jonas ne pouvait s’y tromper.

Au surplus, lorsqu’il eut demandé sous quel nom il devait inscrire les deux voyageurs :

« Le comte Franz de Télek, répondit le jeune homme, et son soldat Rotzko.

— De quel pays ?…

— De Krajowa. »

Krajowa est une des principales bourgades de l’état de Roumanie, qui confine aux provinces transylvaines vers le sud de la chaîne des Carpathes. Franz de Télek était donc de race roumaine, — ce que Jonas avait reconnu au premier aspect.

Quant à Rotzko, homme d’une quarantaine d’années, grand, robuste, épaisse moustache, cheveux drus, poils rudes, il avait une tournure bien militaire. Il portait même le sac du soldat, retenu sur ses épaules par des bretelles, et une valise assez légère qu’il tenait à la main.

C’était là tout le bagage du jeune comte, qui voyageait en touriste, à pied le plus souvent. Cela se voyait à son costume, manteau en bandoulière, passe-montagne sur la tête, vareuse serrée à la taille par un ceinturon d’où pendait la gaine de cuir du couteau valaque, guêtres s’ajustant étroitement à des souliers larges et épais de semelle.

Ces deux voyageurs n’étaient autres que ceux rencontrés par le berger Frik, une dizaine de jours auparavant, sur la route du col, alors qu’ils se dirigeaient vers le Retyezat. Après avoir visité la contrée jusqu’aux limites du Maros, et avoir fait l’ascension de la montagne,