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Sur cette réponse, tous tendirent l’oreille.

Un bruit de pas se faisait entendre en amont de la route, le pas d’une troupe qui descendait de ce côté. Bientôt même quelques voix s’y joignirent, et la distance ne devait pas être supérieure à une centaine de toises.

« Restons dans la clairière, commanda le chef, ces gens-là passeront sans nous voir ! »

Assurément, étant donnée l’obscurité profonde, le convoi ne serait pas aperçu. Mais, il y avait ceci de très grave : si, par mauvaise chance, c’était une escouade de police qui suivait cette route, c’est qu’elle se dirigeait vers le fleuve. En admettant, le jour venu, qu’elle ne découvrît pas le bateau au fond de la crique, il ne serait pas prudent d’y conduire les charrettes, du moins cette nuit-là. Évidemment, si la pensée venait à ces agents de visiter ledit bateau, ils n’y trouveraient rien de suspect. Mais ils pouvaient demeurer aux environs du confluent, et leur présence empêcherait tout embarquement des marchandises de contrebande.

Enfin, on tiendrait compte des circonstances, et on agirait suivant le cas. Après avoir attendu dans cette clairière jusqu’à la nuit prochaine, s’il le fallait, quelques-uns de ces hommes descendraient jusqu’au Danube, et s’assureraient que la douane ou la police étaient en campagne de ce côté.

Pour l’instant, l’essentiel était de ne point être dépistés, et que cette troupe qui s’approchait passât sans avoir l’éveil.

Elle ne tarda pas à atteindre l’endroit où la route longeait la clairière. Malgré la nuit noire, on reconnut qu’elle se composait d’une dizaine d’hommes, et parfois un certain cliquetis indiquait des hommes armés.

Était-ce donc une escouade de ces agents qui, au dire du chemineau, battaient le pays, précisément à la poursuite des fraudeurs de Latzko ?…

Il n’y eut plus à en douter. Deux noms furent successivement prononcés par quelques hommes qui, en avant des autres, longeaient la lisière.

Le premier de ces noms était celui de Latzko en réponse à une question qui avait été posée.

Le second fut en réponse à la question :

« Je crois que nous arriverons à temps, Dragoch ! »

C’était le chef de police en personne qui, sur des informations assez exactes, s’était transporté avec un certain nombre d’agents dans cette partie du pays, située à l’angle de la Morave et du Danube. Depuis deux jours, il était en surveillance à l’entrée des Petites Karpates ; mais ses recherches ayant été vaines, après avoir envoyé la moitié de son personnel en amont sur la rive gauche de la rivière, il se dirigeait avec une escouade

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