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D’ULM À RATISBONNE

Même à Ulm, pendant sa traversée de ce charmant petit royaume du Wurtemberg, le Danube n’est encore qu’un modeste cours d’eau. Il n’a pas reçu les grands tributaires qui doivent accroître sa puissance, et rien ne permet de présager qu’il va devenir l’un des plus importants fleuves de l’Europe. Le courant marchait à l’allure moyenne d’une lieue à l’heure. Quelques lourds bateaux chargés jusqu’au plat-bord, des barques de moindre dimension le descendaient, les unes s’abandonnant à la dérive, les autres s’aidant d’une large voile que gonflait la brise matinale, sortie des nuages du Nord-Ouest. Le temps s’annonçait beau, avec alternatives de soleil et d’ombre, sans menace de pluie.

Ces conditions atmosphériques étaient des plus favorables, et un pêcheur expérimenté n’eût pas négligé d’en faire profit.

Ilia Krusch prépara donc ses engins avec un soin minutieux, sans trop se presser, en homme dont la patience est la qualité première.

Son compagnon, assis à l’arrière de la barge, semblait prendre intérêt à ces préparatifs. Il avait déclaré que l’art de la pêche le séduisait tout particulièrement avec ses aléas, avec ses surprises… Mais était-il pêcheur lui-même, voilà ce qu’il n’avait pas dit, et ce qu’ignorait Ilia Krusch.

Aussi, tout en travaillant, étant assez causeur de sa nature, il mit la conversation sur ce sujet.

« Monsieur Jaeger, demanda-t-il, nous voici embarqués pour une longue navigation…

— Oh ! pas maritime, fluviale seulement.

— Sans doute, répondit Ilia Krusch, et je ne prétends pas qu’elle présente quelque danger. Mais elle durera nombre de semaines, sans doute, et peut-être les journées vous paraîtront-elles longues… à moins que…

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