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Pêcheurs de la Theiss. — Dessin de Lancelot.

Ilia Krusch, arrivé de la veille à Sigmaringen, n’était venu qu’au matin occuper la place que le sort lui assignait sur la rive gauche du fleuve, et elle se trouvait précisément une des plus éloignées en aval. Ses ustensiles au complet, sa trousse de pêche très soignée, tout eût dénoté en lui un pêcheur sérieux, même un pêcheur hors ligne, pourrait-on dire, si cette expression ne prêtait au jeu de mot, enfin un véritable professionnel. Mais aucun de ses confrères n’avait fait attention à lui, et, au milieu de cette centaine de concurrents, il avait passé inaperçu.

Donc, en réalité, Ilia Krusch ne sortit de son incognito que parce qu’il fut appelé par deux fois devant l’estrade pour recevoir du président Miclesco les diplômes et les primes attribués au premier prix. Bien qu’il se présentât très modestement, sa bonne face ronde indiquait une vive satisfaction intérieure, sans qu’il parût tirer vanité de sa victoire. Il monta à petits pas, en homme habitué à compter les marches d’un escalier, il s’inclina légèrement devant le bureau, il serra la main que lui tendit le président Miclesco, et il redescendit en baissant les yeux. Il n’était assurément pas homme de ces cérémonies, et ses joues s’empourprèrent d’une légère rougeur, lorsque quelques applaudissements l’accueillirent, et c’était bien le moins qu’on pût faire pour ce double lauréat.

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