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xv

DE SILISTRIE À GALATZ

Vers huit heures du matin, après cette nuit terrible, le chaland, mouillé près de la rive droite, ramenait son ancre à bord et se remettait en dérive. À l’arrière, un homme, avec l’aide de deux mariniers, tenait en main la longue barre du gouvernail. À l’avant, trois autres, et parmi eux celui qui avait embarqué la veille, observaient l’état du fleuve.

La houle était moins forte, et le vent, halant l’ouest, tendait à tomber. Quelques éclaircies se dessinaient du côté de la mer, sillonnées parfois de vifs rayons de soleil. Le ciel, se nettoyant peu à peu, montrait de longues bandes d’azur à l’horizon.

De l’endroit où Ilia Krusch avait cherché abri la veille, le regard pouvait apercevoir la rive valaque et les montagnes qui la dominent à l’arrière-plan.

Seul, ce chaland descendait maintenant le cours du Danube. Avant le soir, il aurait atteint ce coude qui rejette le fleuve vers le nord, à peu près à l’angle où s’élève la bourgade de Tchernavoda qu’un petit chemin de fer met en communication avec le littoral au port de Kustendjé sur la Mer Noire.

Et où était donc actuellement la barge ?… Est-ce que, pendant la nuit, elle avait été assaillie par quelque violent coup de houle et fracassée contre la rive ?… Est-ce qu’Ilia Krusch et M. Jaeger avaient péri presqu’au terme de leur voyage, et s’était-il donc terminé sur une catastrophe ?…

Dans tous les cas, si l’embarcation n’apparaissait plus le long de la rive bulgare, elle ne se voyait pas davantage le long de la rive valaque… Et si Ilia Krusch et son compagnon avaient pu échapper à la mort, c’est en vain qu’on les eût cherchés l’un ou l’autre sur la grève ou dans le village au pied duquel la barge s’était abritée jusqu’au jour.

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