devant l’offre de quelques roupies. Après tout, il faut bien que les brahmanes vivent !
— Je n’en vois pas la nécessité, répondit le capitaine Hod, qui avait le tort de ne pas professer pour les Indous, leurs mœurs, leurs préjugés, leurs coutumes et les objets de leur vénération, la tolérance que ses compatriotes leur accordent très justement.
Pour le moment, l’Inde n’était pour lui qu’un vaste territoire de « chasses réservées », et, à la population des villes ou des campagnes, il préférait incontestablement les féroces carnassiers des jungles.
Après une station convenable au pied de l’arbre sacré, Banks nous conduisit sur la route dans la direction de Gaya. À mesure que nous approchions de la ville sainte, la foule des pèlerins s’accroissait. Bientôt, dans une éclaircie de verdure, Gaya nous apparut sur la cime du rocher qu’elle couronne de ses constructions pittoresques.
Ce qui attire surtout l’attention des touristes en cet endroit, c’est le temple de Vishnou. Il est de construction moderne, puisqu’il a été rebâti, voilà quelques années seulement, par la reine d’Holcar. La grande curiosité de ce temple, ce sont les empreintes laissées par Vishnou en personne, lorsqu’il daigna descendre sur la terre pour lutter avec le démon Maya. La lutte entre un dieu et un diable ne pouvait être longtemps douteuse. Le démon succomba, et un bloc de pierre, visible dans l’enceinte même de Vishnou-Pad, témoigne, par les profondes empreintes des pieds de son adversaire, que ce diable avait affaire à forte partie.
Je dis « un bloc de pierre visible », et je me hâte d’ajouter « visible pour les Indous seulement ». En effet, aucun Européen n’est admis à contempler ces divins vestiges. Peut-être, pour bien les distinguer sur la pierre miraculeuse, faut-il une foi robuste, qui ne se rencontre plus chez les croyants des contrées occidentales. Cette fois, quoiqu’il en eût, Banks en fut pour l’offre de ses roupies. Aucun prêtre ne voulut accepter ce qui eût été le prix d’un sacrilège. La somme ne fut-elle pas à la hauteur d’une conscience de brahmane, je n’oserais décider ce point. Toujours est-il que nous ne pûmes pénétrer dans le temple, et j’en suis encore à savoir quelle est la « pointure » de ce doux et beau jeune homme d’une couleur azurée, vêtu comme un roi des anciens temps, célèbre par ses dix incarnations, qui représente le principe conservateur opposé à Siva, le farouche emblème du principe destructeur, et que les Vaichnavas, adorateurs de Vishnou, reconnaissent comme le