Page:Verne - La Maison à vapeur, Hetzel, 1902.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
au fond des caves d’ellora.

prix par le gouverneur de la présidence ! Il y a deux mille livres promises à qui livrera Nana Sahib !

— Dandou-Pant ! s’écria Balao Rao, ta tête vaut plus que cela ! Ce serait à peine le prix de la mienne, et, avant trois mois, ils seraient trop heureux de les avoir toutes les deux pour vingt mille !

— Oui, répondit le Nana, dans trois mois, le 23 juin, c’est l’anniversaire de cette bataille de Plassey dont le centième anniversaire, en 1857, devait voir la fin de la domination anglaise et l’émancipation de la race solaire ! Nos prophètes l’avaient prédit ! Nos bardes l’avaient chanté ! Dans trois mois, frère, cent neuf ans se seront écoulés, et l’Inde est encore foulée par le pied des envahisseurs !

— Dandou-Pant, répondit Balao Rao, ce qui n’a pas réussi en 1857 peut et doit réussir dix ans après. En 1827, en 1837, en 1847, il y a eu des mouvements dans l’Inde ! Tous les dix ans, les Indous sont repris des fièvres de la révolte ! Eh bien, cette année, ils se guériront en se baignant dans des flots de sang européen !

— Que Brahma nous guide, murmura le Nana, et alors supplice pour supplice ! Malheur aux chefs de l’armée royale qui ne sont pas tombés sous les coups de nos Cipayes ! Lawrence est mort, Barnard est mort, Hope est mort, Napier est mort, Hobson est mort, Havelock est mort ! Mais quelques-uns ont survécu ! Campbell, Rose, vivent encore, et parmi eux, celui que je hais entre tous, ce colonel Munro, ce descendant du bourreau qui, le premier, fit attacher des Indous à la bouche des canons, l’homme qui a tué de sa main ma compagne, la Rani de Jansi ! Qu’il tombe en mon pouvoir, il verra si j’ai oublié les horreurs du colonel Neil, les massacres du Sekander Bagh, les égorgements du palais de la Bégum. de Bareilli, de Jansi et de Morar, de l’île d’Hidaspe et de Delhi ! Il verra si j’ai oublié qu’il a juré ma mort comme j’ai juré la sienne !

— N’a-t-il pas quitté l’armée ? demanda Balao Rao.

— Oh ! répondit Nana Sahib, au premier soulèvement il reprendra du service ! Mais si le soulèvement avorte, j’irai le poignarder jusque dans son bungalow de Calcutta !

— Soit, et maintenant ?…

— Maintenant, il faut continuer l’œuvre commencée. Le mouvement sera national, cette fois. Que dans les villes, dans les champs, les Indous se soulèvent, et bientôt les Cipayes auront fait cause commune avec eux. J’ai par-