Page:Verne - La Maison à vapeur, Hetzel, 1902.djvu/349

Cette page a été validée par deux contributeurs.
339
cent contre un

d’Acier. Ses défenses atteignirent à la croupe un des éléphants qui se trouvaient devant lui.

Cri de douleur de l’animal, auquel répondirent les clameurs furieuses de toute la troupe. Une lutte, dont on ne pouvait prévoir l’issue, était imminente.

Nous avions pris nos armes, les fusils chargés de balles coniques, les carabines chargées de balles explosibles, les revolvers garnis de leurs cartouches. Il fallait être prêt à repousser toute agression.

La première attaque vint d’un gigantesque mâle, de farouche mine, qui, les défenses en arrêt, les pattes de derrière puissamment arcboutées sur le sol, se retourna contre le Géant d’Acier.

« Un « gunesh » ! s’écria Kâlagani.

— Bah ! il n’a qu’une défense ! répliqua le capitaine Hod, qui haussa les épaules en signe de mépris.

— Il n’en est que plus terrible ! » répondit l’Indou.

Kâlagani avait donné à cet éléphant le nom dont les chasseurs se servent pour désigner les mâles qui ne portent qu’une seule défense. Ce sont des animaux particulièrement révérés des Indous, surtout lorsque c’est la défense droite qui leur manque. Tel était celui-ci, et, ainsi que l’avait dit Kâlagani, il était très redoutable, comme tous ceux de son espèce.

On le vit bien. Ce gunesh poussa une longue note de clairon, recourba sa trompe, dont les éléphants ne se servent jamais pour combattre, et se précipita contre notre Géant d’Acier.

Sa défense frappa normalement la tôle de la poitrine, la traversa de part en part ; mais, rencontrant l’épaisse armure du foyer intérieur, elle se brisa net au choc.

Le train tout entier ressentit la secousse. Cependant, la force acquise l’entraîna en avant, et il repoussa le gunesh, qui, lui faisant tête, essaya vainement de résister.

Mais son appel avait été entendu et compris. Toute la masse antérieure du troupeau s’arrêta et présenta un insurmontable obstacle de chair vivante. Au même moment, les groupes de l’arrière, continuant leur marche, se poussèrent violemment contre la vérandah. Comment résister à une pareille force d’écrasement ?

En même temps, quelques-uns de ceux que nous avions en flanc, leurs trompes levées, se cramponnaient aux montants des voitures qu’ils secouaient avec violence.