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la maison à vapeur.

savoir quand il est nécessaire de faire halte pour les besoins de ces « bébés », ni quelles sortes de campements leur conviennent. Ce sont donc les femelles qui, moralement, portent « les défenses », dans le ménage, et dirigent les grandes migrations.

Maintenant, à la question de savoir pourquoi s’en allait ainsi toute cette troupe, si le besoin de quitter des pâturages épuisés, la nécessité de fuir la piqûre de certaines mouches très pernicieuses, ou peut-être l’envie de suivre notre singulier équipage, la poussait à travers les défilés des Vindhyas, il eût été difficile de répondre. Le pays était assez découvert, et, conformément à leur habitude, lorsqu’ils ne sont plus dans les régions boisées, ces éléphants voyageaient en plein jour. S’arrêteraient-ils, la nuit venue, comme nous serions obligés de le faire nous-mêmes ? nous le verrions bien.

« Capitaine Hod, demandai-je à notre ami, voici cette arrière-garde d’éléphants qui s’augmente ! Persistez-vous à ne rien craindre ?…

– Peuh ! fit le capitaine Hod. Pourquoi ces bêtes-là nous voudraient-elles du mal ? Ce ne sont pas les tigres, n’est-ce pas, Fox ?

– Pas même des panthères ! » répondit le brosseur, qui naturellement s’associait aux idées de son maître.

Mais, à cette réponse, je vis Kâlagani hocher la tête en signe de désapprobation. Évidemment, il ne partageait pas la parfaite quiétude des deux chasseurs.

« Vous ne paraissez pas rassuré, Kâlagani, lui dit Banks, qui le regardait au même moment.

– Ne peut-on presser un peu la marche du train ? se contenta de répondre l’Indou.

– C’est assez difficile, répliqua l’ingénieur. Nous allons, cependant, essayer. »

Et Banks, quittant la vérandah de l’arrière, regagna la tourelle dans laquelle se tenait Storr. Presque aussitôt, les hennissements du Géant d’Acier devinrent plus précipités, et la vitesse du train s’accéléra.

C’était peu, car la route était dure. Mais eût-on doublé la marche du train, l’état des choses ne se fût aucunement modifié. Le troupeau d’éléphants aurait hâté son pas, voilà tout. C’est même ce qu’il fit, et la distance qui le séparait de Steam-House ne diminua pas.

Plusieurs heures se passèrent ainsi, sans modification importante. Après le dîner, nous revînmes prendre place sous la vérandah de la seconde voiture.