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hod contre banks.

mière fois, face à face avec notre Géant d’Acier, je ne sais trop quel accueil ils lui feront !

— Ils le salueront, mille diables ! s’écria le capitaine Hod. Ils le salueront comme l’ont salué les éléphants du prince Gourou Singh !

— Ceux-là étaient des éléphants apprivoisés, fit observer, non sans raison, le sergent Mac Neil.

— Eh bien, riposta le capitaine Hod, ceux-ci s’apprivoiseront, ou plutôt, devant notre géant, ils seront frappés d’un étonnement qui se changera en respect ! »

On voit que notre ami n’avait rien perdu de son enthousiasme pour l’éléphant artificiel, « ce chef-d’œuvre de la création mécanique, créé par la main d’un ingénieur anglais ! »

« D’ailleurs, ajouta-t-il, ces proboscidiens, — il tenait véritablement à ce mot, — ces proboscidiens sont très intelligents, ils raisonnent, ils jugent, ils comparent, ils associent leurs idées, ils font preuve d’une intelligence quasi humaine !

— Cela est contestable, répondit Banks.

— Comment, contestable ! s’écria le capitaine Hod. Mais il ne faudrait pas avoir vécu aux Indes pour parler ainsi ! Est-ce qu’on ne les emploie pas, ces dignes animaux, à tous les usages domestiques ? Y a-t-il un serviteur à deux pieds sans plumes qui puisse les égaler ? Dans la maison de son maître, l’éléphant n’est-il pas prêt à tous les bons offices ? Ne savez-vous donc pas, Maucler, ce qu’en disent les auteurs qui l’ont le mieux connu ? À les en croire, l’éléphant est prévenant pour ceux qu’il aime, il les décharge de leurs fardeaux, il va cueillir pour eux des fleurs ou des fruits, il quête pour la communauté comme le font les éléphants de la célèbre pagode de Willenoor, près de Pondichéry, il paye dans les bazars les cannes à sucre, les bananes ou les mangues qu’il achète pour son propre compte, il protège dans le Sunderbund les troupeaux et l’habitation de son maître contre les fauves, il pompe l’eau des citernes, il promène les enfants qu’on lui confie avec plus de soin que la meilleure des bonnes de toute l’Angleterre ! Et humain, reconnaissant, car sa mémoire est prodigieuse, il n’oublie pas plus les bienfaits que les injustices ! Tenez, mes amis, à ces géants de l’humanité, — oui, je dis de l’humanité, — on ne ferait pas écraser un inoffensif insecte ! Un de mes amis, — ce sont là des traits qu’on ne peut oublier, — a vu placer une petite bête à bon Dieu sur une pierre, et ordonner à un éléphant domestique de l’écraser ! En