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le passage de la betwa.

milles, l’atmosphère nous parut emplie de tels tourbillons de poussière, qu’un violent simoun n’eût pas soulevé de plus épais nuage dans le désert lybique.

« Je ne comprends pas comment peut se produire ce phénomène, dit Banks, puisque la brise est légère.

— Kâlagani nous expliquera cela, » répondit le colonel Munro.

On appela l’Indou, qui vint jusqu’à la vérandah, observa la route, et, sans hésiter :

« C’est une longue caravane qui remonte vers le nord, dit-il, et, ainsi que je vous en ai prévenu, monsieur Banks, c’est très probablement une caravane de Banjaris.

— Eh bien, Kâlagani, dit Banks, vous allez sans doute retrouver là quelques-uns de vos anciens compagnons ?

— C’est possible, monsieur, répondit l’Indou, puisque j’ai longtemps vécu parmi ces tribus nomades.

— Avez-vous donc l’intention de nous quitter pour vous joindre à eux ? demanda le capitaine Hod.

— Nullement, » répondit Kâlagani.

L’Indou ne s’était pas trompé. Une demi-heure plus tard, le Géant d’Acier, si puissant qu’il fût, était forcé de suspendre sa marche devant une muraille de ruminants.

Mais il n’y eut pas lieu de regretter ce retard. Le spectacle qui s’offrait à nos yeux valait la peine d’être observé.

Un troupeau, comptant au moins quatre à cinq mille bœufs, encombrait la route, vers le sud, sur un espace de plusieurs kilomètres. Ainsi que venait de l’annoncer Kâlagani, ce convoi de ruminants appartenait à une caravane de Banjaris.

« Les Banjaris, nous dit Banks, sont les véritables Zingaris de l’Indoustan. Peuple plutôt que tribu, sans demeure fixe, ils vivent l’été sous la tente, l’hiver sous la hutte. Ce sont les porte-faix de la péninsule, et je les ai vus à l’œuvre pendant l’insurrection de 1857. Par une sorte de convention tacite entre les belligérants, on laissait leurs convois traverser les provinces troublées par la révolte. C’étaient, en effet, les approvisionneurs du pays, et ils nourrissaient aussi bien l’armée royale que l’armée native. S’il fallait absolument leur assigner une patrie dans l’Inde, à ces nomades, ce serait le Rapoutana, et plus spécialement peut-être le royaume de Milwar. Mais, puisqu’ils vont défi-