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la maison à vapeur.

« Le colonel Munro, dit-il, n’a plus rien à redouter de Nana Sahib, au moins dans ces provinces.

— Ni dans ces provinces ni ailleurs, répondit Banks. Pourquoi dites-vous « dans ces provinces ? »

— Parce que, si le nabab a reparu, comme on l’a prétendu, il y a quelques mois, dans la présidence de Bombay, dit Kâlagani, les recherches n’ont pu faire connaître sa retraite, et il est très probable qu’il a de nouveau franchi la frontière indo-chinoise. »

Cette réponse semblait prouver ceci : c’est que Kâlagani ignorait ce qui s’était passé dans la région des monts Sautpourra, et que, le mois de mai dernier, Nana Sahib avait été tué par des soldats de l’armée royale au pâl de Tandît.

« Je vois, Kâlagani, dit alors Banks, que les nouvelles qui courent l’Inde ont quelque peine à arriver jusqu’aux forêts de l’Himalaya ! »

L’Indou nous regarda fixement, sans répondre, comme un homme qui ne comprend pas.

« Oui, reprit Banks, vous semblez ignorer que Nana Sahib est mort.

— Nana Sahib est mort ? s’écria Kâlagani.

— Sans doute, répondit Banks, et c’est le gouvernement qui a fait connaître dans quelles circonstances il a été tué.

— Tué ? dit Kâlagani, en secouant la tête. Où donc Nana Sahib aurait-il été tué ?

— Au pâl de Tandît, dans les monts Sautpourra.

— Et quand ?…

— Il y a près de quatre mois déjà, répondit l’ingénieur, le 25 mai dernier. »

Kâlagani, dont le regard me parut singulier en ce moment, s’était croisé les bras et restait silencieux.

« Avez-vous des raisons, lui demandai-je, de ne pas croire à la mort de Nana Sahib ?

— Aucune, messieurs, se contenta de répondre Kâlagani. Je crois ce que vous me dites. »

Un instant après, Banks et moi, nous étions seuls, et l’ingénieur ajoutait, non sans raison :

« Tous les Indous en sont là ! Le chef des Cipayes révoltés est devenu légendaire. Jamais ces superstitieux ne croiront qu’il a été tué, puisqu’ils ne l’ont pas vu pendre !