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la maison à vapeur.

éléphants. Sur dix, à peine peut-on compter en retrouver un qui n’ait quelque fracture mortelle. Aussi, même dans le Mysore, où ce système était surtout préconisé, nous dit le fournisseur, on commence à l’abandonner.

En fin de compte, il ne manquait plus qu’un tigre à la ménagerie du kraal, et Mathias Van Guitt aurait bien voulu le tenir en cage. Il avait hâte de partir pour Bombay.

Ce tigre, il ne devait pas tarder à s’en rendre maître, mais à quel prix ! Cela demande à être raconté avec quelques détails, car l’animal fut chèrement, — trop chèrement, — payé.

Une expédition avait été organisée, par les soins du capitaine Hod, pour la nuit du 26 août. Les circonstances se prêtaient à ce que la chasse se fît dans des circonstances favorables, ciel dégagé de nuages, atmosphère calme, lune en décroissance. Lorsque les ténèbres sont très profondes, les fauves quittent moins volontiers leurs repaires, tandis qu’une demi-obscurité les y invite. Précisément, le ménisque, — un mot de Mathias Van Guitt qui s’applique au croissant lunaire, — le ménisque allait jeter quelques lueurs après minuit.

Le capitaine Hod et moi, Fox et Storr, qui y prenait goût, nous formions le noyau de cette expédition, à laquelle devaient se joindre le fournisseur, Kâlagani et quelques-uns de ses Indous.

Donc, le dîner achevé, après avoir pris congé de Banks, qui avait décliné l’invitation de nous accompagner, nous quittâmes Steam-House vers sept heures du soir, et, à huit, nous arrivions au kraal, sans avoir fait aucune rencontre fâcheuse.

Mathias Van Guitt achevait de souper en ce moment. Il nous reçut avec ses démonstrations ordinaires. On tint conseil, et le plan de chasse fut aussitôt arrêté.

Il s’agissait d’aller prendre l’affût sur le bord d’un torrent, au fond de l’un de ces ravins qu’on appelle « nullah », à deux milles du kraal, en un endroit qu’un couple de tigres visitait assez régulièrement pendant la nuit. Aucun appât n’y avait été préalablement placé. Au dire des Indous, c’était inutile. Une battue, récemment faite dans cette portion du Tarryani, prouvait que le besoin de se désaltérer suffisait à attirer les tigres au fond de cette nullah. On savait aussi qu’il serait facile de s’y poster avantageusement.

Nous ne devions pas quitter le kraal avant minuit. Or, il n’était encore que