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une reine du tarryani.

— Ah ! l’intrigant ! s’écria le capitaine Hod. Il ne serait pas fâché de compléter sa demi-tigresse ! Oui, Fox ! oui ! tu en seras ! »

Comme il s’agissait de quitter Steam-House pour trois ou quatre jours. Banks demanda au colonel s’il lui conviendrait de nous accompagner au village de Souari.

Sir Edward Munro le remercia. Il se proposait de profiter de notre absence pour visiter la zone moyenne de l’Himalaya, au-dessus du Tarryani, avec Goûmi et le sergent Mac Neil.

Banks n’insista pas.

Il fut donc décidé que nous partirions le jour même pour le kraal, afin d’emprunter à Mathias Van Guitt quelques-uns de ses chikaris, qui pouvaient nous être utiles.

Une heure après, vers midi, nous étions arrivés. Le fournisseur fut mis au courant de nos projets. Il ne cacha point sa secrète satisfaction, en apprenant les exploits de cette tigresse, « bien faite, dit-il, pour rehausser dans l’esprit des connaisseurs la réputation des félins de la péninsule. » Puis, il mit à notre disposition trois de ses Indous, sans compter Kâlagani, toujours prêt à marcher au danger.

Il fut seulement bien entendu avec le capitaine Hod, que si, par impossible, cette tigresse se laissait prendre vivante, elle appartiendrait de droit à la ménagerie de Mathias Van Guitt. Quelle attraction, lorsqu’une notice, appendue aux barreaux de sa cage, raconterait en chiffres éloquents les hauts faits de « l’une des reines du Tarryani, qui n’a pas dévoré moins de cent trente-huit personnes des deux sexes ! »

Notre petite troupe quitta le kraal vers deux heures de l’après-midi. Avant quatre heures, après avoir remonté obliquement dans l’est, elle arrivait à Souari sans incidents.

La panique était là à son comble. Dans la matinée même, une malheureuse Indoue, inopinément surprise par la tigresse près d’un ruisseau, avait été emportée dans la forêt.

La maison de l’un des montagnards, riche fermier anglais du territoire, nous reçut hospitalièrement. Notre hôte avait eu plus que tout autre à se plaindre de l’imprenable fauve, et il eût volontiers payé sa peau de plusieurs milliers de roupies.

« Capitaine Hod, dit-il, il y a quelques années, dans les provinces du centre, une tigresse a obligé les habitants de treize villages à prendre la fuite, et