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une reine du tarryani.

Le 13 juillet, Mathias Van Guitt vint nous rendre visite. Moins favorisé que le capitaine Hod, il n’avait pu ajouter un nouvel hôte à sa ménagerie. Ni tigres, ni lions, ni léopards, ne paraissaient disposés à se laisser prendre. L’idée d’aller s’exhiber dans les contrées de l’extrême Occident ne les séduisait pas, sans doute. De là, un très réel dépit que le fournisseur ne cherchait pas à dissimuler.

Kâlagani et deux chikaris de son personnel accompagnaient Mathias Van Guitt pendant cette visite.

L’installation du sanitarium, dans cette situation charmante, lui plut infiniment. Le colonel Munro le pria de rester à dîner. Il accepta avec empressement, et promit de faire honneur à notre table.

En attendant le dîner, Mathias Van Guitt voulut visiter Steam-House, dont le confort contrastait avec sa modeste installation du kraal. Les deux maisons roulantes provoquèrent de sa part quelque compliment ; mais je dois avouer que le Géant d’Acier n’excita point son admiration. Un naturaliste tel que lui ne pouvait que rester insensible devant ce chef-d’œuvre de mécanique. Comment eût-il approuvé, si remarquable qu’elle fût, la création de cette bête artificielle !

« Ne pensez pas de mal de notre éléphant, monsieur Mathias Van Guitt ! lui dit Banks. C’est un puissant animal, et, s’il le fallait, il ne serait pas embarrassé de traîner, avec nos deux chars, toutes les cages de votre ménagerie roulante !

– J’ai mes buffles, répondit le fournisseur, et je préfère leur pas tranquille et sûr.

– Le Géant d’Acier ne craint ni la griffe ni la dent des tigres ! s’écria le capitaine Hod.

– Sans doute, messieurs, répondit Mathias Van Guitt, mais pourquoi les fauves l’attaqueraient-ils ? Ils font peu de cas d’une chair de tôle ! »

En revanche, si le naturaliste ne dissimula pas son indifférence pour notre éléphant, ses Indous, et Kâlagani plus particulièrement, ne cessaient de le dévorer des yeux. On sentait que, dans leur admiration pour le gigantesque animal, il entrait une certaine dose de superstitieux respect.

Kâlagani parut même très surpris lorsque l’ingénieur répéta que le Géant d’Acier était plus puissant que tout l’attelage du kraal. Ce fut une occasion pour le capitaine Hod de raconter, non sans quelque fierté, notre aventure avec les trois « proboscidiens » du prince Gourou Singh. Un