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la maison à vapeur.

Mais le ton avec lequel je prononçai ces mots fit sourire le capitaine. Évidemment, je n’avais pas le feu sacré. Hod s’était retourné vers Kâlagani.

« Tu connais bien le Tarryani ? lui demanda-t-il.

– Je l’ai vingt fois parcouru, nuit et jour, dans toutes les directions, répondit l’Indou.

– As-tu entendu dire qu’un tigre ait été plus particulièrement signalé aux environs du kraal ?

– Oui, mais ce tigre est une tigresse. Elle a été vue à deux milles d’ici, dans le haut de la forêt, et, depuis quelques jours, on cherche à s’en emparer. Voulez-vous que…

– Si nous voulons ! » répondit le capitaine Hod, sans laisser à l’Indou le temps d’achever sa phrase.

En effet, nous n’avions rien de mieux à faire qu’à suivre Kâlagani, et c’est ce qui fut fait.

Il n’est pas douteux que les fauves ne soient très nombreux dans le Tarryani, et là, comme ailleurs, il ne leur faut pas moins de deux bœufs par semaine pour leur consommation particulière ! Calculez ce que cet « entretien » coûte à la péninsule entière !

Mais si les tigres y sont en grand nombre, qu’on ne s’imagine pas qu’ils courent les territoires sans nécessité. Tant que la faim ne les pousse pas, ils restent cachés dans leurs repaires, et ce serait une erreur de penser qu’on les rencontre à chaque pas. Combien de voyageurs ont parcouru les forêts ou les jungles, sans en avoir jamais vu ! Aussi, lorsqu’une chasse s’organise, doit-on commencer par reconnaître les passes habituelles de ces animaux, et, surtout, découvrir le ruisseau ou la source à laquelle ils vont ordinairement se désaltérer.

Cela ne suffit même pas, et il faut encore les attirer. On le fait assez facilement, en plaçant un quartier de bœuf, attaché à un poteau, dans quelque endroit entouré d’arbres ou de rochers, qui peuvent servir d’abri aux chasseurs. C’est ainsi, du moins, que l’on procède en forêt.

En plaine, c’est autre chose, et l’éléphant devient le plus utile auxiliaire de l’homme dans ces dangereuses chasses à courre. Mais ces animaux doivent être parfaitement dressés à cette manœuvre. Malgré tout, ils sont parfois pris de paniques, ce qui rend très périlleuse la position des chasseurs juchés sur leur dos. Il convient de dire aussi que le tigre n’hésite pas à se jeter sur