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la maison à vapeur.

sous les herbes ou se propagent à travers les buissons, ce n’est que stricte prudence.

À midi et demi, nous étions entrés sous le couvert des grands arbres groupés à la lisière de la forêt. Leur haute ramure se développait au-dessus de quelques larges allées, par lesquelles le Géant d’Acier, suivi du train qu’il traînait d’ordinaire, eût passé facilement. En effet, cette partie de la forêt était depuis longtemps aménagée pour les charrois des bois exploités par les montagnards. Cela se voyait à de certaines ornières fraîchement creusées dans la glaise molle. Ces allées principales couraient dans le sens de la chaîne, et, suivant la plus grande longueur du Tarryani, reliaient entre elles les clairières ménagées çà et là par la hache du bûcheron ; mais, de chaque côté, elles ne donnaient accès qu’à d’étroites sentes, qui se perdaient sous des futaies impénétrables.

Nous suivions donc ces avenues, plutôt en géomètres qu’en chasseurs, de manière à reconnaître leur direction générale. Aucun hurlement ne troublait le silence dans la profondeur du bois. De larges empreintes, cependant, récemment laissées sur le sol, prouvaient que les carnassiers n’avaient point abandonné le Tarryani.

Soudain, au moment où nous tournions un des coudes de l’allée, rejetée sur la droite par le pied d’un contrefort, une exclamation du capitaine Hod, qui marchait en avant, nous fit arrêter.

À vingt pas, à l’angle d’une clairière, bordée de grands pendanus, s’élevait une construction, au moins singulière par sa forme. Ce n’était pas une maison : elle n’avait ni cheminée ni fenêtres. Ce n’était pas une hutte de chasseurs : elle n’avait ni meurtrières ni embrasures. On eût plutôt dit une tombe indoue, perdue au plus profond de cette forêt.

En effet, qu’on imagine une sorte de long cube, formé de troncs, juxtaposés verticalement, solidement fichés dans le sol, reliés à leur partie supérieure par un épais cordon de branchages. Pour toit, d’autres troncs transversaux, fortement emmortaisés dans le bâti supérieur. Très évidemment, le constructeur de ce réduit avait voulu lui donner une solidité à toute épreuve sur ses cinq côtés. Il mesurait environ six pieds de haut, sur douze de long et cinq de large. D’ouverture, nulle apparence, à moins qu’elle ne fût cachée, sur sa face antérieure, par un épais madrier, dont la tête arrondie dépassait quelque peu l’ensemble de la construction.

Au-dessus du toit se dressaient de longues perches flexibles, singulièrement