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notre sanitarium.

montagnards, éleveurs de chèvres et de moutons, cultivateurs de riches champs de blé et d’orge.

Grâce au concours de notre personnel, sous la direction de Banks, il n’a fallu que quelques heures pour organiser un campement, dans lequel nous devons séjourner pendant six ou sept semaines.

Un des contreforts, détaché de ces capricieux chaînons qui contreboutent l’énorme charpente de l’Himalaya, nous a offert un plateau doucement ondulé, long d’un mille environ sur un demi-mille de largeur. Le tapis de verdure qui le recouvre est une épaisse moquette d’une herbe courte, serrée, plucheuse, pourrait-on dire, et pointillée d’un semis de violettes. Des touffes de rhododendrons arborescents, grands comme de petits chênes, des corbeilles naturelles de camélias, y forment une centaine de houppes d’un effet charmant. La nature n’a pas eu besoin des ouvriers d’Ispahan ou de Smyrne pour fabriquer ce tapis de haute laine végétale. Quelques milliers de graines, apportées par le vent du midi sur ce terrain fécond, un peu d’eau, un peu de soleil, ont suffi à faire ce tissu moelleux et inusable.

Une douzaine de groupes d’arbres magnifiques se développent sur ce plateau. On dirait qu’ils se sont détachés, comme des irréguliers, de l’immense forêt qui hérisse les flancs du contrefort, en remontant sur les chaînons voisins, à une hauteur de six cents mètres. Cèdres, chênes, pendanus à longues feuilles, hêtres, érables, se mêlent aux bananiers, aux bambous, aux magnolias, aux caroubiers, aux figuiers du Japon. Quelques-uns de ces géants étendent leurs dernières branches à plus de cent pieds au-dessus du sol. Ils semblent avoir été disposés en cet endroit pour ombrager quelque habitation forestière. Steam-House, venue à point, a complété le paysage. Les toits arrondis de ses deux pagodes se marient heureusement à toute cette ramure variée, branches raides ou flexibles, feuilles petites et frêles comme des ailes de papillons, larges et longues comme des pagaies polynésiennes. Le train des voitures a disparu sous un massif de verdure et de fleurs. Rien ne décèle la maison mobile, et il n’y a plus là qu’une habitation sédentaire, fixée au sol, faite pour n’en plus bouger.

En arrière, un torrent, dont on peut suivre le lacet argenté jusqu’à plusieurs mille pieds de hauteur, coule à droite du tableau sur le flanc du contrefort, et se précipite dans un bassin naturel qu’ombrage un bouquet de beaux arbres.

De ce bassin, le trop-plein s’échappe en ruisseau, court à travers la prairie, et