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la maison à vapeur.

Nana Sahib ! Ce nom de guerre, le plus redouté de ceux auxquels la révolte de 1857 avait fait une renommée sanglante, le nabab venait encore une fois de le jeter comme un suprême défi aux conquérants de l’Inde.


CHAPITRE II.

le colonel munro


« Eh bien, mon cher Maucler, me dit l’ingénieur Banks, vous ne nous parlez point de votre voyage ! On dirait que vous n’avez pas encore quitté Paris ! Comment trouvez-vous l’Inde ?

— L’Inde ! répondis-je, mais, pour en parler avec quelque justesse, il faudrait au moins l’avoir vue.

— Bon ! reprit l’ingénieur, ne venez-vous pas de traverser la péninsule de Bombay à Calcutta, et à moins d’être aveuglé…

— Je ne suis pas aveugle, mon cher Banks, mais, pendant cette traversée, j’étais aveuglé…

— Aveuglé ?…

— Oui ! aveuglé par la fumée, par la vapeur, par la poussière, et, mieux encore, par la rapidité du transport. Je ne veux pas médire des chemins de fer, puisque votre métier est d’en construire, mon cher Banks, mais, se calfeutrer dans le compartiment d’un wagon, n’avoir pour champ de vision que la vitre des portières, courir jour et nuit avec une vitesse moyenne de dix milles à l’heure, tantôt sur des viaducs, en compagnie des aigles ou des gypaètes, tantôt sous des tunnels, en compagnie des mulots ou des rats, ne s’arrêter qu’aux gares, qui se ressemblent toutes, ne voir des villes que l’extérieur des murailles ou l’extrémité des minarets, passer dans cet incessant brouhaha des mugissements de la locomotive, des sifflets de la chaudière, du grincement des rails et du gémissement des freins, est-ce que c’est voyager, cela !

— Bien dit ! s’écria le capitaine Hod. Répondez à cela, si vous le pouvez, Banks ! Qu’en pensez-vous, mon colonel ? »

Le colonel, auquel venait de s’adresser le capitaine Hod, inclina légèrement la tête, et se contenta de dire :