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le pâl de tandît.

En outre, une avalanche de roches, que la main d’un enfant suffirait à précipiter, écraserait quiconque tenterait d’arriver au pâl contre la volonté de ses habitants.

Cependant, si isolés qu’ils soient dans leurs aires inaccessibles, les Gounds peuvent rapidement communiquer de pâl à pâl. Du haut de ces croupes inégales des Sautpourra, les signaux se propagent en quelques minutes sur vingt lieues de pays. C’est un feu allumé à la cime d’une roche aiguë, c’est un arbre changé en torche gigantesque, c’est une simple fumée qui empanache le sommet d’un contrefort. On sait ce que cela signifie. L’ennemi, c’est-à-dire un détachement de soldats de l’armée royale, une escouade d’agents de la police anglaise, a pénétré dans la vallée, remonte le cours de la Nerbudda, fouille les gorges de la chaîne, en quête de quelque malfaiteur, auquel ce pays offre volontiers refuge. Le cri de guerre, si familier à l’oreille des montagnards, devient cri d’alarme. Un étranger le confondrait avec le hululement des oiseaux de nuit ou le sifflement des reptiles. Le Gound, lui, ne s’y trompe pas. Il faut veiller, on veille ; il faut fuir, on fuit. Les pâls suspects sont abandonnés, brûlés même. Ces nomades se réfugient en d’autres retraites, qu’ils abandonneront encore, s’ils sont pressés de trop près, et, sur ces terrains recouverts de cendres, les agents de l’autorité ne trouvent plus que des ruines.

C’était à l’un de ces pâls, — le pâl de Tandît, — que Nana Sahib et les siens étaient venus demander refuge. Là, les avait tout d’abord conduits le fidèle Gound dévoué à la personne du nabab. Là, ils s’installèrent dans la journée du 12 mars.

Le premier soin des deux frères, dès qu’ils eurent pris possession du pâl de Tandît, fut d’en reconnaître soigneusement les abords. Ils observèrent dans quelle direction et à quelle portée le regard pouvait s’étendre. Ils se firent indiquer quelles étaient les habitations les plus rapprochées, et s’enquirent de ceux qui les occupaient. La position de cette croupe isolée, que couronnait le pâl de Tandît, au milieu d’un massif d’arbres, ils l’étudièrent, et se rendirent finalement compte de l’impossibilité d’y avoir accès, sans suivre le lit d’un torrent, le torrent de Nazzur, qu’ils venaient de remonter eux-mêmes.

Le pâl de Tandît offrait donc toutes les conditions de sécurité, d’autant mieux qu’il s’élevait au-dessus d’un souterrain, dont les secrètes issues s’ouvraient sur le flanc du contrefort, et permettaient de s’enfuir, le cas échéant.