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la maison à vapeur.

fois, c’était le chasseur de gibier. Dans l’intérêt de la table, il allait tranquillement flâner sur le bord des rizières, en compagnie de Black et de Phann. Monsieur Parazard avait fait savoir au capitaine que l’office était vide, et il attendait de Son Honneur que Son Honneur voulût bien « prendre les mesures nécessaires » pour le remplir.

Le capitaine Hod se résigna, et nous partîmes, armés de simples fusils de chasse. Pendant deux heures, notre battue n’eut d’autre résultat que de faire envoler quelques perdrix ou lever quelques lièvres, mais à de telles distances, que, malgré le bon vouloir de nos chiens, il fallut renoncer à tout espoir de les atteindre.

Aussi le capitaine Hod était-il de fort mauvaise humeur. D’ailleurs, au milieu de cette vaste plaine, sans jungles, sans taillis, semée de villages et de fermes, il ne pouvait compter sur la rencontre d’un carnassier quelconque, qui l’eût dédommagé du léopard manqué de la veille. Il n’était venu là qu’en qualité de pourvoyeur, et songeait à la réception que lui ferait monsieur Parazard s’il rentrait le carnier vide.

Ce n’était pas notre faute, cependant. À quatre heures, nous n’avions pas eu l’occasion de tirer un seul coup de fusil. Il ventait sec, et, je l’ai dit, tout le gibier se levait hors de portée.

« Mon cher ami, me dit alors le capitaine Hod, décidément, ça ne va pas ! En quittant Calcutta, je vous ai promis des chasses superbes, et une mauvaise chance, une fatalité persistante, à laquelle je ne comprends rien, m’empêche de tenir ma promesse !

— Bon ! mon capitaine, répondis-je, il ne faut pas désespérer. Si j’éprouve quelque regret, c’est moins pour moi que pour vous !… Nous nous rattraperons, d’ailleurs, dans les montagnes du Népaul !

— Oui, dit le capitaine Hod, là, sur ces premières rampes de l’Himalaya, les conditions seront meilleures pour opérer. Voyez-vous, Maucler, je parierais que notre train, avec tout son attirail, les mugissements de sa vapeur, et surtout son éléphant gigantesque, effraye ces damnés fauves, plus encore que ne les effrayerait un train de chemin de fer, et ce sera ainsi tant qu’il sera en marche ! Au repos, il faut l’espérer, nous serons plus heureux. En vérité ! ce léopard était un fou ! Il fallait qu’il mourût de faim pour se jeter sur notre Géant d’Acier, et il était digne d’être tué raide d’une bonne balle de calibre ! Satané Fox ! je n’oublierai jamais ce qu’il a fait là ! — Quelle heure est-il maintenant ?