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la maison à vapeur.

flottent sur le dos quand ce sont des hommes, sur la poitrine quand ce sont des femmes. Je pus constater qu’il n’y a rien de vrai dans cette observation. Un instant après, les monstres se jetaient sur cette proie, que leur fournissent quotidiennement les cours d’eau de la péninsule, et ils l’entraînaient dans les profondeurs du fleuve.

Le chemin de fer de Calcutta, avant de se bifurquer à Allahabad pour courir sur Delhi, au nord-ouest, et sur Bombay, au sud-ouest, suit constamment la rive droite du Gange, dont il économise par sa rectitude les nombreuses sinuosités. À la station de Mogul-Seraï, dont nous n’étions éloignés que de quelques milles, un petit embranchement se détache, qui dessert Bénarès en traversant le fleuve, et, par la vallée de la Goûmti, va jusqu’à Jaunpore sur un parcours d’une soixantaine de kilomètres.

Bénarès est donc sur la rive gauche. Mais ce n’était pas en cet endroit que nous devions franchir le Gange. C’était seulement à Allahabad. Le Géant d’Acier resta donc au campement qui avait été choisi la veille au soir, 22 mai. Des gondoles étaient amarrées à la rive, et prêtes à nous conduire à la ville sainte, que je désirais visiter avec quelque soin.

Le colonel Munro n’avait rien à apprendre, rien à voir de ces cités si souvent visitées par lui. Cependant, ce jour-là, il eut un instant la pensée de nous accompagner ; mais, après réflexion, il se décida à faire une excursion sur les rives du fleuve, en compagnie du sergent Mac Neil. En effet, tous deux quittèrent Steam-House, avant même que nous ne fussions partis. Quant au capitaine Hod, qui avait déjà tenu garnison à Bénarès, son intention était d’aller voir quelques-uns de ses camarades. Donc, Banks et moi, – l’ingénieur avait voulu me servir de guide, – nous fûmes les seuls qu’un sentiment de curiosité allait entraîner vers la ville.

Lorsque je dis que le capitaine Hod avait tenu garnison à Bénarès, il faut savoir que les troupes de l’armée royale ne résident pas habituellement dans les cités indoues. Leurs casernes sont situées au milieu de « cantonnements », qui, par le fait, deviennent de véritables villes anglaises. Ainsi à Allahabad, ainsi à Bénarès, ainsi en d’autres points du territoire, où non seulement les soldats, mais les fonctionnaires, les négociants, les rentiers, se groupent de préférence. Chacune de ces grandes cités est donc double, l’une avec tout le confort de l’Europe moderne, l’autre ayant conservé les coutumes du pays et les usages indous dans toute leur couleur locale !

La ville anglaise annexée à Bénarès, c’est Sécrole, dont les bungalows, les