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PREMIÈRES RECHERCHES.

être entraîné, parce qu’il n’a pu passer le barrage de Frias, parce qu’il faut plusieurs jours pour qu’il remonte à la surface et puisse être emporté en aval ! Oui ! il y est, et que jamais dame-jeanne de tafia ne s’approche de mes lèvres si je ne le retrouve pas ! »

Cette affirmation, dans la bouche du pilote, avait une grande valeur, et elle était de nature à rendre l’espoir.

Cependant Benito, qui ne voulait plus se payer de mots et préférait voir les choses telles qu’elles étaient, crut devoir répondre :

« Oui, Araujo, le corps de Torrès est encore dans ce bassin, et nous le retrouverons, si…

— Si ?… fit le pilote.

— S’il n’est pas devenu la proie des caïmans ! »

Manoel et Fragoso attendaient, non sans émotion la réponse qu’Araujo allait faire.

Le pilote se tut pendant quelques instants. On sentait qu’il voulait réfléchir avant de répondre.

« Monsieur Benito, dit-il enfin, je n’ai pas l’habitude de parler à la légère. Moi aussi j’ai eu la même pensée que vous, mais écoutez bien. Pendant ces dix heures de recherches qui viennent de s’écouler, avez-vous aperçu un seul caïman dans les eaux du fleuve ?

— Pas un seul, répondit Fragoso.