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LA JANGADA

elle ne voulût faire justice de ses propres mains !

Quelle triste nuit pour les passagers de la fazenda ! Maîtres et serviteurs avaient été frappés de ce coup ! Ce personnel de la fazenda, n’était-ce pas les membres d’une même famille ? Tous, d’ailleurs, voulurent veiller pour la sûreté de Yaquita et des siens. Il y avait sur la rive du rio Negro une incessante allée et venue d’indigènes, évidemment surexcités par l’arrestation de Joam Dacosta, et qui sait à quels excès ces gens, à demi barbares, auraient pu se porter !

La nuit se passa, cependant, sans qu’aucune démonstration fut faite contre la jangada.

Le lendemain, 26 août, dès le lever du soleil, Manoel et Fragoso, qui n’avaient pas quitté Benito d’un instant pendant cette nuit d’angoisses, tentèrent de l’arracher à son désespoir. Après l’avoir emmené à l’écart, ils lui firent comprendre qu’il n’y avait plus un moment à perdre, qu’il fallait se décider à agir.

« Benito, dit Manoel, reprends possession de toi-même, redeviens un homme, redeviens un fils !

— Mon père ! s’écria Benito, je l’ai tué !…

— Non, répondit Manoel, et avec l’aide du ciel, il est possible que tout ne soit pas perdu !

— Écoutez-nous, monsieur Benito, » dit Fragoso.